Alors que le Programme de développement local de 145 Territoires (PDL-145T) était présenté comme un levier essentiel pour moderniser les infrastructures éducatives en République Démocratique du Congo, la réalité sur le terrain, notamment dans la province de Lomami, est tout autre. Des centaines d’élèves se retrouvent plongés dans des conditions d’apprentissage qualifiées d’indignes, suite à l’arrêt inexpliqué des travaux de construction. Comment un projet aussi ambitieux, porté par les plus hautes autorités, a-t-il pu virer à la désillusion pour les communautés locales ?
À Kamiji, par exemple, la situation est devenue critique. Les anciens bâtiments scolaires ont été démolis pour laisser place à de nouvelles constructions, mais les chantiers sont à l’arrêt depuis près de deux ans. Les élèves, privés de salles de classe, sont contraints d’étudier à même le sol, sous des abris précaires faits de rameaux ou de chaume. « Ce n’est pas normal », déplore un notable local, appelant à une reprise urgente des travaux pour redonner un cadre scolaire digne aux enfants. Cette situation illustre le fossé entre les promesses du PDL-145T et sa mise en œuvre sur le terrain, un écart qui questionne la gestion même du programme.
Ces problématiques locales ne sont pas isolées. À l’Assemblée provinciale, le député de Luilu, Cyrille Ngoyi Sulu, a récemment dénoncé ce qu’il considère comme un abandon systématique des ouvrages publics en construction dans plusieurs territoires, dont Kamiji, Kabinda et Luilu. Dans une motion d’information, il a pointé du doigt un possible « sabotage » des initiatives présidentielles par certaines agences locales d’exécution (ALE). Ces structures, chargées de la réalisation des projets, auraient laissé des chantiers à l’abandon après avoir démoli les anciennes infrastructures, plongeant les écoles dans une précarité alarmante. À Luputa, par exemple, des enfants étudient désormais sous les arbres, faute de bâtiments achevés.
Face à cette crise, le député provincial a sollicité la création d’une commission mixte d’enquête. Composée de députés des territoires concernés et de membres du gouvernement provincial, cette commission aurait pour mission de recenser les ouvrages inachevés, d’identifier les ALE mises en cause et de transmettre le dossier aux instances compétentes, comme l’Inspection Générale des Finances (IGF). Une démarche nécessaire, selon lui, pour mettre fin à l’impunité et garantir que les fonds alloués au développement local bénéficient réellement aux populations. Mais au-delà de l’enquête, c’est tout le modèle de gestion du PDL-145T qui doit être interrogé.
L’abandon chantiers scolaires dans la province de Lomami pose en effet des questions fondamentales sur la planification et le suivi des projets de développement. Comment expliquer que des travaux soient lancés sans assurance de leur achèvement ? Les conditions indignes des élèves en RDC sont-elles le fruit de simples dysfonctionnements administratifs ou révèlent-elles une gestion défaillante à plus grande échelle ? Les témoignages recueillis sur le terrain suggèrent une rupture de confiance entre les autorités et les citoyens, particulièrement dans les zones rurales où les besoins éducatifs sont pourtant criants.
Les enjeux sont de taille. Sans une reprise rapide et efficace des travaux, c’est toute une génération d’enfants qui risque de voir son avenir compromis par un environnement d’apprentissage inadapté. Le programme PDL-145T, s’il est correctement exécuté, pourrait pourtant constituer un vecteur de progrès significatif. Il est donc impératif que les responsables, à tous les niveaux, prennent la mesure de l’urgence et agissent pour corriger le tir. La crédibilité des politiques de développement local en dépend, tout comme l’éducation, pilier essentiel du futur de la RDC.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
