Le président Félix Tshisekedi a jeté un pavé dans la mare diplomatique en annonçant, devant la diaspora congolaise en Serbie, une échéance précise pour la signature d’un accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Ce geste, prévu le 4 décembre à Washington sous l’égide du président américain Donald Trump, représente-t-il un tournant décisif ou une nouvelle manœuvre dans l’écheveau complexe des négociations de paix RDC ? Le chef de l’État congolais, en fixant cette date, prend un risque calculé, engageant sa crédibilité sur la capacité de la communauté internationale, et notamment des États-Unis, à imposer une solution durable à un conflit qui mine la région depuis des décennies.
« Nous avons rendez-vous à Washington pour signer cet accord de paix, qui, j’espère, va ramener la vraie paix dans notre pays », a déclaré Tshisekedi, non sans porter un jugement sévère sur les processus antérieurs. Selon lui, les précédents arrangements n’ont été qu’un simple « habillage », ayant permis « l’infiltration d’éléments étrangers » au sein de l’armée nationale. Cette charge, à peine voilée, vise clairement les multiples initiatives régionales et internationales qui ont échoué à enrayer la violence dans l’Est du Congo. En associant explicitement la signature à une rencontre avec Donald Trump, Tshisekedi place délibérément cet accord de paix RDC Rwanda sous le signe du bilatéralisme américain, peut-être au détriment des forums multilatéraux traditionnels.
La position de Kinshasa apparaît cristallisée autour d’un refus catégorique, martelé par le président : « C’est exclu. Ça n’existera plus dans ces accords-là. » Il s’agit du rejet de tout « mixage » ou « brassage » des combattants des groupes armés avec les forces régulières congolaises. Une demande souvent formulée par le passé, notamment par le Rwanda, et qui constituait un point d’achoppement majeur. Tshisekedi a précisé que les éventuels Congolais retrouvés au sein des rébellions seraient soumis à un examen rigoureux (« checkés ») concernant leur origine et leur comportement. « Il est hors de question d’accepter des belligérants qui auront versé le sang de nos compatriotes », a-t-il tranché, dessinant les contours d’une future réintégration extrêmement restrictive, voire exclusivement judiciaire.
Cette fermeté affichée entre en résonance, et parfois en tension, avec l’accord-cadre de Doha, qui sert de base au processus actuel. Ce texte prévoit en effet que les parties s’engagent à ne soutenir aucun groupe armé et que toute intégration ou démobilisation se fasse en conformité avec la Constitution congolaise et les normes internationales de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR). Le cadre de Doha envisage aussi la mise en place de dispositions transitoires de sécurité dans les zones affectées, pour une période de cinq mois renouvelables. La composition et le mandat de ces dispositifs, potentiellement épineux, restent à définir dans des protocoles à venir. La déclaration de Félix Tshisekedi Washington semble ainsi vouloir préempter ces discussions techniques en posant des lignes rouges politiques incontournables.
Quelles sont les implications stratégiques de cette annonce ? En premier lieu, Tshisekedi tente de reprendre la main narrative sur un dossier souvent perçu comme subi. En annonçant une date et un lieu, il place le Rwanda et les autres acteurs devant le fait accompli d’une échéance imminente. Deuxièmement, il mise sur la diplomatie directe avec l’administration Trump, peut-être perçue comme plus disposée à exercer une pression unilatérale sur Kigali. Enfin, son discours à la diaspora vise à consolider son assise politique interne en incarnant un leader intransigeant sur la souveraineté nationale et la sécurité des populations. Cependant, le jeu est périlleux. Une éventuelle défaillance, un report ou un accord édulcoré le 4 décembre pourrait se retourner contre lui, affaiblissant sa position tant sur la scène internationale qu’au sein du pays.
La signature accord 4 décembre sera-t-elle donc la pierre angulaire de la paix Congo Rwanda ou un simple épisode de plus dans une longue série ? La réponse dépendra de la traduction concrète des principes énoncés par Tshisekedi en mécanismes vérifiables et équilibrés. Les prochains enjeux seront techniques mais hautement politiques : le monitoring du cessez-le-feu, le sort des combattants, le rôle des observateurs internationaux et, surtout, les garanties sur le non-soutien aux groupes rebelles. Le président congolais joue gros avec cette annonce. En misant sur un sommet à Washington, il espère verrouiller un processus qui a jusqu’ici constamment déraillé. Le succès ou l’échec de cette manoeuvre dira beaucoup sur la capacité de la nouvelle administration congolaise à infléchir durablement la dynamique conflictuelle dans la région des Grands Lacs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
