Les habitants du territoire de Djugu, en Ituri, vivent un cauchemar depuis ce funeste samedi 29 novembre. L’effondrement soudain du pont Nizi sur l’axe vital Iga Barrière-Mongwalu a brutalement coupé une artère économique majeure, plongeant des milliers de personnes dans l’isolement et l’insécurité. La rupture de ce lien essentiel n’est pas qu’un problème d’infrastructure ; c’est une crise humanitaire qui se dessine en accéléré, frappant de plein fouet une région déjà meurtrie par des années de conflit. L’image du pont effondré, symbole de l’état de délabrement des infrastructures en RDC, résume à elle seule le défi colossal auquel font face les populations locales. Comment survivre lorsque le chemin qui vous relie au monde s’effondre littéralement ?
Les premières conséquences sont économiques, et elles sont brutales. Avec la suspension immédiate du trafic, les prix des denrées de base ont littéralement explosé. Jean-Pierre Bikilisende, député provincial élu de l’entité, dresse un constat alarmant : « Par exemple, 20 litres de carburant qui coûtaient 60 000 FC se négocient actuellement à 120 000 FC, et le sac de riz qui valait 65 000 FC varie désormais entre 100 000 et 110 000 FC ». Cette flambée des prix à Djugu n’est pas une simple fluctuation de marché ; c’est le reflet direct d’une économie étranglée. Les produits deviennent rares, le coût du transport explose, et le pouvoir d’achat des familles s’évapore. Les marchés, autrefois approvisionnés, se vident peu à peu, annonçant des jours difficiles pour une population qui peine déjà à joindre les deux bouts. Cette crise économique localisée est un avertissement sévère sur la fragilité des chaînes d’approvisionnement dans une région enclavée.
Mais au-delà du portefeuille, c’est la sécurité physique des populations qui est désormais en jeu. La région de l’Ituri reste une poudrière, sous la menace constante de groupes armés qui profitent du moindre vide sécuritaire. L’effondrement du pont Nizi crée précisément ce vide. Baudjo Badinga, chef de la chefferie de Mambasa, exprime une inquiétude partagée par tous : « Sur le plan sécuritaire, les interventions militaires risquent d’être retardées ». Cette simple phrase résonne comme un glas. En cas d’attaque, comment les forces de l’ordre pourraient-elles se déployer rapidement ? Le pont effondré n’est plus seulement un obstacle économique, il devient un bouclier involontaire pour les éléments malintentionnés et un piège mortel pour les civils. La sécurité en Ituri, déjà précaire, se retrouve ainsi fragilisée par cet incident infrastructurel, créant un terrain propice à une recrudescence de la violence.
Face à cette double crise, économique et sécuritaire, la colère et l’inquiétude montent. Les acteurs de la société civile ne mâchent pas leurs mots, pointant du doigt l’abandon chronique dont souffre cette partie du pays. L’effondrement du pont Nizi n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un manque d’entretien et d’investissement dans les infrastructures critiques. Aujourd’hui, les appels se multiplient pour une réhabilitation en urgence de l’ouvrage. Mais cet appel va plus loin : il réclame également la remise en état des routes secondaires, ces veines capillaires souvent oubliées, pour assurer un minimum de ravitaillement et de mobilité en attendant des travaux lourds. Cette situation met en lumière la problématique plus large de la gouvernance et des priorités d’investissement en RDC. Combien de ponts, de routes sont-ils au bord de la rupture à travers le pays ? L’incident de Djugu est un microcosme de la crise des infrastructures que traverse la nation.
La suspension du trafic en Ituri est bien plus qu’un fait divers local. C’est un révélateur criant des inégalités territoriales et des vulnérabilités systémiques. Alors que les prix flambent et que l’ombre des groupes armés plane, les habitants de Djugu attendent des actes concrets. La réparation du pont Nizi est devenue le symbole de leur droit fondamental à la sécurité, à la mobilité et à une vie économique digne. Sans une réponse rapide et efficace des autorités, cette tragédie infrastructurelle pourrait bien se transformer en catastrophe humanitaire, ajoutant une couche de souffrance à une région qui n’en a que trop enduré. La balle est désormais dans le camp des décideurs. Vont-ils écouter l’appel à l’aide qui monte de l’Ituri ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
