La salle de conférence bourdonne d’une attention grave. Plus d’une cinquantaine de visages, agents et cadres du ministère des Droits humains, sont tournés vers l’avant, absorbant chaque mot. Ce lundi 1er décembre à Kinshasa, une formation droits humains d’un genre particulier s’ouvre. Elle ne vise pas des activistes ou des étudiants, mais les fonctionnaires mêmes censés incarner la protection de la dignité humaine en République Démocratique du Congo. Pour beaucoup de participants, c’est une première. « Enfin, on nous donne les armes pour vraiment comprendre notre mission », confie l’un d’eux, sous couvert d’anonymat, soulignant le besoin criant d’un tel apprentissage dans un pays où les violations font encore souvent la une.
À la tribune, le ministre Samuel Mbemba, figure centrale de ce ministère Droits humains RDC, plante le décor avec une franchise décapante. Son message est clair : ses collaborateurs doivent se tenir en première ligne dans le combat pour le respect des droits fondamentaux. « Les premiers acteurs de la promotion et de la protection des droits humains, ce sont vous, les agents de ce ministère », lance-t-il, rappelant que la responsabilité première de l’État, et donc de son administration, est de garantir ces droits. Dans un contexte congolais marqué par des conflits persistants à l’Est et des défis socio-économiques majeurs, ce rappel à l’ordre sonne comme une nécessité absolue. Mais au-delà des mots, cette sensibilisation droits de l’homme de trois jours a-t-elle les moyens de transformer les pratiques sur le terrain ?
L’atelier droits humains Kinshasa, qui se poursuit jusqu’au 3 décembre, se veut justement pratique. Il passe au crible les différentes catégories de droits – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels – et détaille les mécanismes de protection existants aux niveaux national et international. L’objectif est d’outiller ces fonctionnaires, souvent en première interface avec la population, pour qu’ils sachent identifier, documenter et répondre aux violations. Car comment protéger efficacement sans une compréhension fine des instruments juridiques et des procédures ? Le défi est de taille, dans un pays où l’accès à la justice reste un parcours du combattant pour une majorité de citoyens.
La présence du Directeur pays du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme, Patrice Var, à cette cérémonie d’ouverture, n’est pas anodine. Elle souligne l’importance que la communauté internationale accorde à cet effort de renforcement des capacités étatiques. En remerciant le ministre pour son engagement, Var envoie un signal de soutien, mais aussi de vigilance. L’ONU, partenaire historique dans ce domaine épineux en RDC, observe. La vraie réussite de cette formation se mesurera à l’aune des progrès concrets enregistrés dans les provinces, loin des scléroses administratives de la capitale.
Derrière les discours protocolaires, une question fondamentale persiste : cette mobilisation interne du ministère Droits humains RDC peut-elle inverser la courbe des abus ? La RDC est régulièrement épinglée par les organisations de défense des droits de l’homme pour des exactions commises par des groupes armés, mais aussi parfois par des agents de l’État. Former les cadres est une étape indispensable, mais elle doit s’accompagner d’une volonté politique ferme et de moyens à la hauteur des enjeux. Les participants à cet atelier repartiront-ils avec de simples brochures, ou avec un mandat renforcé et la certitude d’un soutien sans faille de leur hiérarchie face aux pressions ?
L’initiative du ministre Samuel Mbemba, louable, s’inscrit dans une reconnaissance tardive : un État qui ne maîtrise pas les principes des droits qu’il est censé défendre est un État fragilisé. Cette formation droits humains est un premier pas. Mais elle ne sera qu’un vœu pieux si elle ne débouche pas sur une culture administrative transformée, où chaque agent se sente investi d’une mission de protection active des citoyens. La route est longue pour que le respect de la dignité humaine cesse d’être une exception pour devenir la norme en RDC. L’engagement affiché à Kinshasa ces trois jours doit maintenant résister à l’épreuve du temps et de la complexité du terrain congolais. L’espoir, ténu mais bien présent, repose sur ces quelques dizaines de fonctionnaires qui, peut-être, deviendront les ferments d’un changement attendu depuis trop longtemps.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
