La localité stratégique de Lukweti, dans le groupement Banyungu du territoire de Masisi, au Nord-Kivu, est le théâtre d’une montée en puissance inquiétante des forces rebelles de l’AFC/M23. Depuis le week-end dernier, des colonnes de combattants ont été observées renforçant leurs positions dans cette zone cruciale, située sur l’axe Nyabiondo-Pinga. Cette démonstration de force intervient dans un contexte sécuritaire extrêmement volatil, marqué par de récents et violents retournements.
Plusieurs sources locales, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, ont confirmé l’arrivée de ces renforts. Les mouvements de troupes et de matériel se sont intensifiés, dessinant les contours d’une consolidation défensive, voire préparant une nouvelle phase opérationnelle. Cette évolution survient directement à la suite de la perte de la localité de Kinyumba, tombée aux mains des groupes d’autodéfense communautaires, les wazalendo, jeudi 27 novembre, après de sanglants affrontements.
La prise de Kinyumba par les wazalendo avait représenté un coup dur pour les rebelles du Nord-Kivu, perturbant temporairement leurs lignes de communication et leur emprise sur une partie du groupement Banyungu. Le renforcement à Lukweti apparaît ainsi comme une réponse tactique immédiate. L’AFC/M23 cherche-t-elle à verrouiller cet axe pour se protéger d’une possible avancée des wazalendo, ou prépare-t-elle une contre-offensive pour reprendre l’initiative dans ce conflit Masisi qui n’en finit pas de s’enliser ? La question plane sur les populations civiles, prises en étau entre les belligérants.
La situation sur le terrain demeure extrêmement tendue et imprévisible. Les habitants de Lukweti et des villages alentours font état d’un climat de peur palpable. Les déplacements sont fortement réduits, les activités économiques paralysées. « On voit des allers-retours de pick-ups avec des hommes en armes. La nuit, on entend des mouvements. Personne ne dort tranquille », confie un habitant contacté par téléphone. Cette instabilité chronique dans le Nord-Kivu plonge des milliers de familles dans une incertitude permanente, entre exode et résignation.
L’enjeu de Lukweti dépasse le simple village. Sa position sur l’axe Nyabiondo-Pinga en fait un point de contrôle potentiel pour la circulation entre plusieurs zones du Masisi. Qui contrôle Lukweti influence la dynamique sécuritaire de tout un secteur. Cette reconfiguration des forces rebelles Nord-Kivu pourrait donc présager de nouveaux combats dans les jours ou les semaines à venir. Les wazalendo, galvanisés par leur récente prise, surveillent certainement ces mouvements de près.
Cette escalade locale s’inscrit dans un conflit plus large qui mine la région depuis des années. L’AFC/M23, après une période de relative accalmie relative dans certaines zones, semble manifester sa capacité de réaction rapide et sa résilience opérationnelle. Le conflit Masisi, avec ses multiples acteurs armés et ses racines complexes, semble loin de trouver une issue pacifique. Chaque gain territorial par un groupe provoque presque mécaniquement une réaction de l’adversaire, dans un cycle infernal de violence.
Les conséquences humanitaires de cette nouvelle flambée de tensions sont à craindre. Les organisations présentes sur le terrain redoutent un nouvel afflux de personnes déplacées si les hostilités reprenaient de plus belle autour de Lukweti. L’accès humanitaire, déjà difficile dans ces zones de conflit actif, pourrait se compliquer davantage, laissant les populations sans assistance vitale. La communauté internationale suit-elle avec assez d’attention cette détérioration sécuritaire dans le Nord-Kivu ?
Pour l’heure, ni les autorités provinciales ni la Mission de stabilisation des Nations unies n’ont officiellement commenté ce récent déploiement des rebelles de l’AFC/M23. Le silence des forces régulières face à cette consolidation ennemie interroge. La situation sécuritaire dans le groupement Banyungu reste donc suspendue aux prochaines décisions, tant des rebelles que des groupes d’autodéfense et, in fine, de la réponse que pourront ou voudront apporter les forces de l’ordre. L’équilibre est précaire, et la paix, plus fragile que jamais dans cette partie du Congo.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
