Ce samedi matin, dans la fraîcheur encore lourde de l’aube, un groupe de femmes partait chercher de quoi nourrir leurs familles dans les champs d’Ilebo. Leur quête de survie quotidienne s’est transformée en cauchemar. Prises en embuscade par un groupe d’hommes armés de machettes, elles ont été sauvagement agressées, laissant derrière elles une dizaine de blessées aux chairs tailladées. Cette attaque ciblée contre des civiles innocentes marque une nouvelle flambée de violence dans le conflit intercommunautaire qui oppose les communautés Pende et Wongo dans le territoire d’Ilebo, au Kasaï.
« C’est triste de voir le conflit resurgir alors qu’aucune solution n’est trouvée jusqu’ici », déplore d’une voix accablée Willy Wotongula Ndjoko, président de la société civile locale. « Les blessures sont béantes. Une dizaine d’auteurs présumés ont été arrêtés récemment, mais voilà que ça recommence. » Son témoignage, poignant, souligne l’échec des mesures prises jusqu’alors pour endiguer cette spirale de haine. Comment une communauté peut-elle continuer à vivre lorsque ses mères, ses épouses, sont mutilées sur le chemin des champs ? La question, lancinante, hante désormais tous les villages touchés par ces violences Ilebo récurrentes.
Les racines de ce conflit intercommunautaire Kasaï sont amères et anciennes, tissées autour de la dispute de terres fertiles et du contrôle lucratif d’une mine de diamant dans la région. Cette richesse potentielle, au lieu de profiter à tous, est devenue un poison, attisant les jalousies et les revendications. Depuis son apparition au début du mois de novembre, cette tension latente a déjà fait 15 morts et provoqué des déplacements de population. Les récentes arrestations, loin d’apaiser les esprits, semblent n’avoir été qu’un pansement sur une jambe de bois.
« Je pense que les autorités négligent ce conflit », accuse avec amertume Willy Wotongula Ndjoko. « Il faut rapidement trouver des solutions avant que la situation ne devienne incontrôlable. » Son cri d’alarme rejoint celui des organisations locales qui réclament une médiation urgente et un déploiement sécuritaire renforcé. La peur est désormais l’unique souveraine dans plusieurs localités. Les champs sont délaissés, les marchés se vident, toute l’activité économique et agricole est paralysée par la crainte de nouvelles attaques. Cette paralysie est-elle le prélude à une famine orchestrée par la violence ?
Les blessés femmes Kasaï, prises en charge dans des structures sanitaires locales dont les moyens sont souvent dérisoires, luttent pour leur vie. Certaines sont dans un état critique, selon des sources médicales. Leurs corps meurtris sont le témoignage silencieux mais éloquent de l’échec collectif à protéger les plus vulnérables. Ces affrontements Pende Wongo ne sont pas une simple querelle de voisinage ; ils sont le symptôme d’un malaise plus profond, où la gestion des ressources et l’autorité de l’État sont mises en échec par des intérêts locaux et des rancœurs identitaires.
En définitive, la tragédie qui se joue à Ilebo dépasse le cadre d’un simple fait divers sanglant. Elle interroge la capacité de la République Démocratique du Congo à garantir la sécurité de ses citoyens dans ses provinces les plus reculées. Sans une implication directe et déterminée des autorités provinciales et nationales, sans un dialogue communautaire authentique et une justice visible, le conflit pour la mine diamant ne fera que s’envenimer. Le Kasaï peut-il se permettre de sombrer à nouveau dans des cycles de violence qui ont déjà trop marqué son histoire ? Le temps n’est plus aux constats, mais à l’action. La paix, dans cette région, se mesure à l’aune de la sécurité des femmes qui vont au champ.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
