Ce dimanche 30 novembre 2025, au siège de la plateforme Lamuka à Kinshasa, l’opposant historique Martin Fayulu a déployé une nouvelle cartographie des revendications de l’opposition congolaise. En réaffirmant avec force son exigence d’un dialogue inclusif en RDC, le leader de l’Écidé a posé un jalon politique dont les répercussions pourraient redéfinir les équilibres actuels. Dans un discours adressé à ses partisans, il a martelé l’urgence d’une table ronde réunissant l’ensemble des composantes de la société congolaise, une condition sine qua non, selon lui, pour aborder les « questions majeures qui divisent le pays ». Cette proposition, aussi ambitieuse que complexe, soulève immédiatement une interrogation : le pouvoir en place est-il prêt à un tel exercice de transparence, ou cette initiative restera-t-elle un vœu pieux dans le paysage politique congolais ?
La rhétorique de Fayulu ne s’est pas limitée à une simple invocation procédurale. Elle a opéré un retour stratégique sur le passé, pointant du doigt l’épineux dossier des élections 2018 en RDC, qu’il qualifie sans ambages de processus entaché de manipulations. « Nous allons demander à Kabila pourquoi avoir manipulé les élections de 2018 », a-t-il déclaré, élargissant le cercle des responsabilités à l’ancien président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, qu’il somme d’« expliquer pourquoi il a pris les armes contre le peuple ». Plus percutant encore, son interpellation du président Félix Tshisekedi, accusé d’avoir « accepté le mensonge de Kabila et Nangaa », installe une ligne de fracture frontale entre l’opposition et le pouvoir sortant. Ce n’est pas une simple critique, mais une charge qui remet en cause la légitimité même du mandat en cours.
L’analyse politique de cette sortie publique révèle une stratégie calculée. En plaçant le dialogue inclusif comme préalable à toute avancée, Martin Fayulu place le gouvernement dans une position délicate. Refuser ce dialogue, c’est s’exposer à des accusations d’autoritarisme et de fermeture. L’accepter, c’est ouvrir une boîte de Pandore où les fondements du régime actuel pourraient être discutés, voire contestés. La plateforme Lamuka se présente ainsi en garante d’une démocratie participative, un positionnement qui renforce son ancrage dans le paysage de l’opposition congolaise tout en isolant les acteurs réticents à une telle ouverture. N’est-ce pas là une manœuvre pour regrouper les forces mécontentes et cristalliser un front commun face à un exécutif perçu comme vulnérable sur la question de la légitimité historique ?
Les implications d’un tel appel sont profondes. Au-delà de la clarification des responsabilités liées aux scrutins passés, Fayulu évoque la nécessité de « rétablir la confiance et engager des réformes ». Cette formule englobe des enjeux capitaux : la réforme de l’appareil électoral, la réconciliation nationale, et peut-être même une réflexion sur la gouvernance future. En assurant que Lamuka continuera à plaider pour un processus « ouvert et participatif », il mise sur la mobilisation de toutes les couches sociales, transformant une revendication politique en un mouvement sociétal. Cette approche pourrait-elle forcer la main des institutions en place, ou risque-t-elle de se heurter au mur des réalités politiciennes et des calculs de court terme ?
La conclusion de cette séquence politique oriente irrémédiablement le regard vers les prochains mois. L’exigence d’un dialogue inclusif en République démocratique du Congo pose désormais une échéance implicite au gouvernement. La balle est dans le camp du président Tshisekedi, dont la réponse, ou son absence de réponse, sera minutieusement scrutée. Le succès ou l’échec de cette initiative pèsera lourd sur la crédibilité de la plateforme Lamuka et sur la capacité de Martin Fayulu à unifier une opposition souvent fragmentée. Dans ce jeu d’échecs complexe, chaque mouvement est décisif. La prochaine étape consistera à observer si cette parole publique se mue en pression concrète et en mobilisation durable, ou si elle s’évapore dans les sables mouvants de la realpolitik congolaise. L’avenir immédiat nous dira si cette demande de dialogue est le prélude à une reconfiguration majeure ou simplement un épisode de plus dans le long feuilleton politique national.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
