Dans un contexte diplomatique particulièrement sensible, le Président Félix Tshisekedi a choisi la tribune de la diaspora congolaise en Serbie pour dévoiler les prochaines étapes de sa stratégie régionale. Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre de sa visite d’État dans les Balkans, révèle une approche calculée où la diaspora devient l’écho stratégique des positions gouvernementales.
Face aux communautés congolaises établies en Serbie, le Chef de l’État a déployé un discours sans concession, marquant clairement les limites de son engagement dans le processus de paix. « Je me rendrai à Washington pour entériner l’accord signé avec le Rwanda sous l’égide des États-Unis », a-t-il affirmé, avant d’ajouter avec une fermeté remarquable : « Mais ne vous laissez pas berner : on ne fera ni brassage ni mixage. » Cette déclaration, relayée par sa cellule de communication, dessine les contours d’une diplomatie congolaise qui semble désormais naviguer entre nécessité pragmatique et méfiance institutionnelle.
Le sous-texte de ces affirmations mérite analyse : le Président Tshisekedi joue-t-il une partition subtile où les déclarations publiques servent à la fois de message à la communauté internationale et de réassurance pour son électorat national ? La référence explicite au « poignard dans le dos » de 2022 concernant l’intégration régionale suggère une mémoire politique encore vive des trahisons perçues, tout en justifiant la prudence actuelle.
Quelles sont donc les véritables conditions posées par Kinshasa pour une normalisation des relations RDC Rwanda ? Le chef de l’État les a énumérées avec précision : « le respect de la Souveraineté de notre pays, le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais et le rétablissement de la confiance mutuelle. » Une triade exigeante qui place la balle dans le camp de Kigali, tout en répondant aux attentes d’une opinion congolaise souvent sceptique face aux processus diplomatiques.
Pendant ce temps, le processus de médiation américaine poursuit son cours méthodique. La dernière réunion du mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité (MCCS), tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Washington, a permis d’évaluer la mise en œuvre de l’accord signé quatre mois plus tôt. Les participants, incluant représentants de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, du Qatar et de l’Union africaine, ont examiné les progrès de l’ordre d’opérations (OPORD) visant à neutraliser les FDLR et à lever les mesures défensives rwandaises.
La complexité de ce processus Washington RDC Rwanda réside dans son architecture à plusieurs niveaux. D’un côté, les discussions techniques progressent sur le partage de renseignements et les opérations d’information visant à encourager la démobilisation des combattants. De l’autre, les déclarations présidentielles maintiennent un cap ferme sur les principes fondamentaux, créant ainsi un équilibre délicat entre avancées pratiques et exigences politiques.
La diaspora congolaise en Serbie, par sa présence dans cette région des Balkans, symbolise-t-elle un nouveau canal d’influence pour la diplomatie congolaise ? Le Président Tshisekedi semble le croire, lui qui a salué « l’unité et la résilience » de ces communautés tout en réaffirmant leur « rôle stratégique dans la projection de l’image de la RDC à l’étranger ». Cette reconnaissance s’accompagne de promesses concrètes : amélioration des mécanismes d’accompagnement des Congolais de l’étranger dans le cadre des réformes diplomatiques en cours.
Alors que l’accord de Washington et le processus de Doha constituent désormais les deux piliers des efforts diplomatiques pour pacifier l’Est de la RDC, une question persiste : ces mécanismes suffiront-ils à dépasser les méfiances historiques et à créer les conditions d’une paix durable ? La chute de Goma et Bukavu, ainsi que l’échec du processus de Luanda, planent comme des ombres portées sur les négociations actuelles.
Le timing des annonces présidentielles – à Belgrade avant Washington – n’est probablement pas fortuit. En s’adressant d’abord à la diaspora congolaise Serbie, le Président Tshisekedi assure ses arrières politiques tout en testant la réception de ses messages avant les discussions américaines. Une stratégie de communication qui révèle autant qu’elle dissimule, laissant entrevoir les lignes rouges que Kinshasa ne semble pas prêt à franchir dans ce processus paix Est RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
