Dans les rues poussiéreuses de Mbuji-Mayi, le ballet quotidien des bidons jaunes est devenu le symbole d’une crise qui assoiffe toute une ville. Depuis près de quinze jours, des milliers de femmes et d’enfants arpentent les artères de la capitale du Kasaï-Oriental à la recherche du précieux liquide. Comment une ville entière peut-elle ainsi vivre au rythme de la quête d’eau potable ?
« Nous nous réveillons à 4 heures du matin pour parcourir des kilomètres à pied. Hier soir, je n’ai même pas pu préparer le repas familial à cause de cette pénurie d’eau », témoigne une mère de famille, le visage marqué par la fatigue. Son calvaire quotidien la mène de Kamala wa Nkata à Muamba wa Mpoyi, deux quartiers parmi tant d’autres touchés par cette crise hydrique sans précédent.
La REGIDESO Kasaï-Oriental tente de justifier cette situation dramatique. Selon Didier Mbudi Lelo, directeur régional de l’institution, le cœur du problème bat au rythme des coupures d’électricité. « Nos machines tournent seulement dix heures par jour à Lukelenge, consommant mille litres de carburant pour une production réduite. Avec l’énergie hydroélectrique normale, nous pourrions produire huit mille mètres cubes quotidiennement ».
Mais pourquoi cette dépendance aux groupes électrogènes ? La réponse se trouve du côté de la SNEL, où Jean Crispin Mukendi, directeur provincial, évoque une panne technique majeure. Le transformateur de la sous-station de la centrale hydroélectrique de Tshibwe a rendu l’âme, plongeant toute la région dans une situation énergétique critique.
En attendant des jours meilleurs, la SNEL fonctionne avec des groupes thermiques sous-dimensionnés qui ne parviennent à alimenter la ville que de 18h00 à minuit 30, imposant un sévère délestage entre les quartiers. Cette distribution électrique au compte-gouttes suffit-elle à répondre aux besoins vitaux d’une population en souffrance ?
La pénurie d’eau à Mbuji-Mayi révèle une vérité plus amère encore : comment une ville moderne peut-elle dépendre ainsi de solutions d’urgence pour satisfaire ses besoins les plus élémentaires ? Les ménagères qui parcourent des kilomètres avec leurs bidons vides posent chaque jour cette question silencieuse aux autorités.
La SNEL promet une acquisition prochaine pour remplacer l’unité défectueuse. Mais en attendant, la crise de l’eau potable continue de mettre en lumière les faiblesses structurelles du réseau de distribution. Cette situation d’urgence interroge sur la résilience des infrastructures congolaises face aux défis du développement.
Au-delà des explications techniques, c’est toute une population qui doit réorganiser sa vie autour de cette quête quotidienne. Les enfants accompagnent leurs mères dès l’aube, les commerces adaptent leurs horaires, la vie sociale se réorganise autour des points d’eau encore actifs. Jusqu’à quand cette course contre la montre devra-t-elle durer ?
La distribution d’eau potable reste un défi majeur pour de nombreuses villes congolaises, mais la situation à Mbuji-Mayi atteint des proportions alarmantes. Alors que la REGIDESO et la SNEL cherchent des solutions, les habitants, eux, continuent leur marche épuisante, espérant que demain apportera enfin l’eau tant attendue.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
