« J’ai tout perdu du jour au lendemain. Ma petite boutique en tôle était ma seule source de revenus pour nourrir mes quatre enfants », témoigne Michel Cyala, les yeux rivés sur l’emplacement où se dressait encore hier son commerce. Comme des centaines d’autres petits commerçants de Mbujimayi, il fait les frais de l’opération d’assainissement lancée par les autorités urbaines.
La capitale du Kasaï-Oriental vit actuellement une transformation radicale de son paysage urbain. L’assainissement voirie Mbujimayi entre dans sa phase cruciale avec le démantèlement systématique de toutes les installations non conformes qui bordent les avenues nouvellement asphaltées. Cette mesure, annoncée le 19 novembre dernier par le maire Jean Marie Lutumba, suscite autant d’espoirs que d’angoisses parmi la population.
« Cette opération urbaine Kasaï-Oriental était nécessaire pour préserver nos nouvelles infrastructures », explique un cadre de la mairie Mbujimayi. « Après avoir investi des milliards de francs dans la réhabilitation de plus de cinquante kilomètres de routes, nous ne pouvions pas laisser l’anarchie s’installer à nouveau ».
Mais sur le terrain, la réalité est plus complexe. Les petits commerçants, qui disposaient de seulement dix jours pour déguerpir, se sentent pris au piège. « Où vais-je aller maintenant ? Les espaces autorisés coûtent cher et sont souvent déjà saturés », s’interroge une vendeuse de téléphones portables, devant les débris de son kiosque.
Cette opération urbaine Kasaï-Oriental répond pourtant à une logique de développement urbain cohérent. Le gouverneur de la province, dans son instruction du 13 octobre dernier, avait explicitement demandé aux autorités urbaines d’harmoniser l’environnement des infrastructures routières modernisées. La préservation de l’esthétique urbaine RDC devient ainsi un enjeu majeur pour les villes congolaises en mutation.
« Le véritable défi consiste à concilier modernisation urbaine et inclusion sociale », analyse un expert en développement local. « L’assainissement voirie Mbujimayi ne devrait pas se limiter à démolir, mais devrait s’accompagner de solutions alternatives pour les petits commerçants ».
La transformation de Mbujimayi, capitale diamantifère, soulève des questions fondamentales sur le modèle de ville que l’on souhaite construire. Faut-il privilégier l’esthétique urbaine RDC au détriment de l’économie informelle qui fait vivre des milliers de familles ? Comment garantir que la modernisation ne crée pas davantage d’exclusion ?
Les autorités se veulent rassurantes. « Nous travaillons à identifier des zones spécifiques où ces activités pourront se redéployer de manière organisée », promet un responsable municipal. Mais les commerçants restent sceptiques, ayant déjà vécu des promesses similaires non tenues par le passé.
L’opération urbaine Kasaï-Oriental dépasse ainsi la simple question des installations non conformes. Elle interroge la capacité des pouvoirs publics à mener une urbanisation qui soit à la fois moderne et sociale. Le succès de cette initiative dépendra largement de la mise en place d’accompagnements concrets pour les populations affectées.
Alors que le visage de Mbujimayi change rapidement, se pose la question : une ville moderne est-elle nécessairement une ville aseptisée, ou peut-elle intégrer la vitalité du commerce informel qui caractérise depuis toujours les centres urbains congolais ? La réponse à cette interrogation déterminera l’avenir urbain non seulement de Mbujimayi, mais de nombreuses autres villes de la RDC engagées dans des processus similaires de transformation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
