La République Démocratique du Congo se trouve une nouvelle fois au cœur d’une campagne de désinformation sophistiquée, orchestrée par des réseaux numériques aux méthodes troubles. Une investigation approfondie de Global Witness révèle comment des comptes suspects sur la plateforme X et plusieurs sites médiatiques congolais s’activent à redorer le blason de Dan Gertler, ce magnat minier israélien frappé par des sanctions américaines depuis 2017 pour corruption présumée.
Comment expliquer cette soudaine offensive médiatique en faveur d’une figure aussi controversée ? La réponse se niche dans la coordination suspecte de dizaines de comptes créés simultanément en février dernier, diffusant tous le même narratif fallacieux : un tribunal arbitral israélien aurait blanchi Gertler de toutes les accusations de corruption en RDC. Pourtant, la réalité juridique contredit cette affirmation, l’arbitrage en question concernant uniquement un litige commercial privé, bien éloigné des graves allégations qui ont justifié les sanctions internationales.
La stratégie de manipulation déployée mérite analyse. Pas moins de quarante comptes, manifestement coordonnés, ont inondé les réseaux sociaux de messages identiques vantant les mérites de l’homme d’affaires et attaquant simultanément les organisations de la société civile congolaise. Cette méthode rappelle fâcheusement une campagne similaire démantelée en 2020, démontrant la persistance de ces pratiques opaque
Au-delà des simples comptes automatisés, l’enquête met en lumière au moins dix sites d’actualités congolais participant à cette entreprise de réhabilitation. Si aucun lien formel ne peut être établi avec des individus précis, la régularité avec laquelle ces plateformes publient des articles favorables à Deo Kasongo, responsable communication de Gertler en RDC, interroge. Jusqu’où cette instrumentalisation des médias congolais peut-elle aller dans la manipulation de l’opinion publique ?
Mike Davis, PDG de Global Witness, souligne avec pertinence : « Les décisions de sanction doivent rester applicables à moins d’être annulées par une juridiction crédible. Aucune campagne en ligne ni aucun arbitrage privé n’y changera quoi que ce soit. » Cette mise en garde prend tout son sens dans un contexte où la transparence du secteur minier congolais reste un enjeu crucial pour le développement du pays.
Les implications de cette affaire dépassent largement le simple cas Gertler. Elles questionnent la capacité des institutions congolaises à résister aux campagnes de désinformation visant à influencer les politiques minières. La corruption minière en RDC peut-elle véritablement être combattue lorsque des acteurs sanctionnés bénéficient de tels relais médiatiques ?
La plateforme X se trouve elle aussi sous le feu des critiques pour son incapacité à faire respecter ses propres règles contre l’amplification artificielle. Le silence des géants du numérique face à ces manipulations coordonnées équivaut-il à une forme de complicité passive ?
Cette affaire révèle les nouvelles frontières de l’influence dans le secteur minier africain. Alors que la transition énergétique mondiale accroît la pression sur les ressources congolaises, les batailles informationnelles deviennent un champ de confrontation aussi crucial que les négociations commerciales. La résilience démocratique de la RDC se joue peut-être dans sa capacité à déjouer ces campagnes de manipulation orchestrées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
