Luanda, capitale angolaise, devient l’épicentre de la diplomatie mondiale alors que s’ouvre le septième sommet Union européenne-Union africaine. Ce rendez-vous crucial, qui marque le 25ᵉ anniversaire du partenariat UE-UA, intervient dans un contexte géopolitique en profonde mutation où les équilibres traditionnels vacillent.
Le Secrétaire Général des Nations Unies, António Guterres, a lancé un plaidoyer vigoureux pour une refonte complète du système financier international. « L’architecture financière mondiale actuelle est à la fois injuste et inefficace », a-t-il déclaré devant l’assistance de dirigeants européens et africains. Son diagnostic sans concession pointe un système qui « favorise les nations déjà riches » au détriment des économies émergentes.
La proposition de réforme du chef de l’ONU s’articule autour de trois axes majeurs : mettre fin au « cycle écrasant de la dette », tripler la capacité de prêt des banques multilatérales de développement, et accorder aux pays en développement « une participation et une influence accrues » au sein des institutions financières mondiales. Ces mesures visent explicitement à adapter le système au monde contemporain et à corriger des déséquilibres historiques.
Mais au-delà des questions financières, c’est la reconfiguration géopolitique mondiale qui occupe le devant de la scène. Guterres a analysé l’émergence d’une multipolarité croissante, où le pouvoir se redistribue entre plusieurs régions plutôt que de rester concentré entre quelques mains. Cette évolution, observe-t-il, ne garantit pas automatiquement la stabilité. « L’Europe était multipolaire en 1914, mais en l’absence d’une gouvernance multilatérale forte, il en a résulté la guerre », a-t-il rappelé, soulignant les risques de fragmentation.
Face à ces défis, le partenariat UE-UA pourrait constituer un « axe central » pour construire un ordre mondial plus équitable. Comment l’Europe et l’Afrique peuvent-elles conjuguer leurs forces pour peser dans cette nouvelle architecture internationale ? La réponse réside peut-être dans la complémentarité de leurs agendas : l’Agenda 2063 de l’UA et l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable offrent des cadres convergents pour action commune.
Le sommet de Luanda s’inscrit dans une séquence diplomatique dense, suivant de peu la deuxième édition du Global Gateway Forum à Bruxelles en octobre 2025. Cette proximité temporelle n’est pas fortuite : elle reflète l’urgence des enjeux et la volonté des parties de donner une impulsion nouvelle à leur coopération. Avec plus de 1,4 milliard d’habitants en Afrique et une Europe cherchant à diversifier ses partenariats, les perspectives de collaboration intercontinentale apparaissent plus stratégiques que jamais.
La coprésidence du sommet par le président angolais João Lourenço, également président de l’Union africaine, et le président du Conseil européen António Costa, symbolise cette volonté de dialogue égalitaire. La présence de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du président de la Commission de l’UA Mahmoud Ali Youssouf complète cette architecture institutionnelle.
Les discussions s’articulent autour du thème « Promouvoir la paix et la prospérité grâce à un multilatéralisme effectif » – une orientation qui répond directement aux préoccupations exprimées par Guterres concernant la nécessité d’institutions multilatérales robustes. La coordination politique croissante entre les deux continents pourrait effectivement servir de rempart contre les risques de division du monde en blocs antagonistes.
Quelles seront les retombées concrètes de ce sommet UE-UA historique ? La capacité des deux unions à transformer les déclarations d’intention en actions mesurables constituera le véritable test de leur partenariat renouvelé. La stimulation de l’intégration économique africaine et le renforcement du commerce intercontinental figurent parmi les objectifs affichés, mais l’ambition dépasse largement le cadre économique.
Alors que l’Angola et plusieurs autres nations africaines célèbrent le 50ᵉ anniversaire de leur indépendance, ce sommet représente une opportunité unique de redéfinir les termes de la relation Europe-Afrique. Le défi consiste à bâtir un partenariat qui transcende les héritages historiques pour construire une coopération tournée vers l’avenir, capable de répondre aux défis globaux comme le changement climatique, les migrations et les inégalités croissantes.
La multipolarité interconnectée prônée par le Secrétaire Général de l’ONU trouvera-t-elle dans le partenariat UE-UA son premier laboratoire ? La réponse se construira dans les mois qui suivront ce sommet de Luanda, au gré des initiatives concrètes qui émergeront de ces discussions ambitieuses.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
