Le cri de détresse a résonné dans la salle de conférence, porté par des voix trop longtemps réduites au silence. À Beni, au Nord-Kivu, des jeunes filles en situation de handicap ont brisé le mur de l’indifférence lors de la Journée internationale de la jeune fille célébrée ce 25 novembre 2025. Leur message est unanime : la discrimination quotidienne mine leur dignité et entrave leur épanouissement.
« Lorsqu’on s’exprime, on nous dit, toi, tu n’es qu’une handicapée, que peux-tu bien dire ? » Cette question douloureuse, Abigael Kaliki la porte comme une cicatrice ouverte. Comme elle, des dizaines de jeunes filles handicapées participaient à une journée de réflexion organisée par le Bureau provincial du Genre, Famille et Enfant. L’occasion de dénoncer les moqueries systématiques et l’exclusion sociale qui ponctuent leur existence.
Comment en sommes-nous arrivés à une société qui rejette celles qui devraient être protégées ? La question mérite d’être posée alors que les témoignages se succèdent, tous plus accablants les uns que les autres. Le milieu scolaire, censé être un lieu d’apprentissage et d’épanouissement, se transforme en champ de bataille psychologique pour ces adolescentes. Leur parole est systématiquement dévaluée, leurs capacités constamment remises en question.
« Nous avons aussi le droit de vivre dans la communauté avec la même valeur que les autres », insiste une autre participante dont la voix tremble d’émotion. Cet appel poignant résume l’urgence de la situation. Ces jeunes filles handicapées à Beni réclament simplement ce qui leur revient de droit : une place égale dans la société congolaise.
La discrimination des jeunes filles handicapées au Nord-Kivu n’est malheureusement pas un phénomène isolé. Elle s’inscrit dans une problématique plus large des droits des handicapés en RDC, où l’inclusion sociale reste un vœu pieux dans de nombreuses communautés. Les préjugés ancrés dans les mentalités créent des barrières plus difficiles à franchir que les obstacles physiques.
Face à cette situation alarmante, les autorités locales ont pris un engagement solennel. La signature d’un acte d’engagement pour la protection et la promotion des droits de la jeune fille dans le Nord-Kivu représente un premier pas vers le changement. Mais cet engagement suffira-t-il à briser les chaînes de la discrimination ?
Les participantes ont lancé un appel clair au gouvernement : intensifier la sensibilisation dans les écoles, les églises et les communautés. Car c’est bien à la racine du mal qu’il faut s’attaquer. Les stéréotypes se construisent dès le plus jeune âge, se transmettent de génération en génération, et se cristallisent dans des comportements d’exclusion.
La Journée internationale de la jeune fille aurait pu n’être qu’un symbole. À Beni, elle est devenue le catalyseur d’une prise de conscience collective. Ces adolescentes handicapées ont transformé leur souffrance en force de proposition, leur marginalisation en revendication légitime. Leur combat dépasse largement leur situation personnelle : il interroge la capacité de toute une société à accepter la différence.
L’inclusion sociale au Congo ne sera effective que lorsque les plus vulnérables trouveront leur place pleine et entière dans le tissu communautaire. Les droits des handicapés en RDC passent nécessairement par la reconnaissance de la valeur de chaque individu, quelles que soient ses capacités physiques ou mentales. Le Nord-Kivu, région marquée par les conflits, pourrait ainsi montrer la voie d’une reconstruction basée sur le respect mutuel et l’acceptation des différences.
Alors que la rencontre se terminait, une question demeurait : cette mobilisation sera-t-elle le point de départ d’un changement durable ou simplement un énième discours sans lendemain ? La réponse appartient désormais à l’ensemble de la société congolaise, appelée à se transformer pour offrir à toutes ses filles, handicapées ou non, un avenir digne de leurs aspirations.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
