« À 24 ans, je me sens invisible dans mon propre pays. » Cette déclaration poignante de Junior, étudiant en droit à Kinshasa, résume le sentiment d’exclusion qui anime de nombreux jeunes Congolais. Alors que Felipe Paullier, le Sous-Secrétaire général de l’ONU aux affaires de la jeunesse, plaide pour une participation accrue des jeunes aux instances décisionnelles, sur le terrain, la frustration grandit.
Mardi 25 novembre à Kinshasa, au sortir d’un entretien avec la ministre Grâce Kutino, le haut responsable onusien a dressé un constat sans appel : « Au niveau mondial, il existe un grand écart entre la participation des jeunes et leur représentation dans les instances de prise de décision. » Un paradoxe criant quand on sait que la majorité de la population mondiale est jeune, et que « 50 % de la population mondiale a moins de 30 ans ».
Mais comment traduire ces bonnes intentions en actions concrètes en République Démocratique du Congo ? Felipe Paullier reconnaît que « la solution n’est pas magique » et qu’« il n’y a pas une seule action à mener, mais un travail conjoint impliquant de nombreux acteurs. » Pour lui, l’enjeu crucial réside dans « l’institutionnalisation de la participation des jeunes » et la reconnaissance « d’espaces formels où ils peuvent participer aux instances de prise de décision. »
La question de la participation des jeunes dans les instances décisionnelles en RDC dépasse le simple slogan politique. Elle touche à l’avenir même du pays, où les moins de 25 ans représentent près de 70% de la population. « Les portes doivent être ouvertes pour l’intégration des jeunes à la fonction publique et les obstacles à l’accès des jeunes à la politique doivent être éliminés », insiste le représentant de l’ONU.
Cette visite de Felipe Paullier en RDC s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par des appels répétés à une meilleure représentativité des jeunes. En décembre 2024, Eddy Yav, coordonnateur national du Panel d’experts de la résolution 2250, encourageait déjà les autorités à nommer des jeunes aux postes de responsabilité. La résolution 2250 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée il y a près de dix ans, reconnaît pourtant le rôle important des jeunes dans la prévention et le règlement des conflits.
Mais sur le terrain, le chemin reste semé d’embûches. « Nous avons des compétences, des idées, mais pas de tribune », déplore Sarah, jeune entrepreneure de Goma. Comme elle, des milliers de jeunes Congolais aspirent à contribuer au développement de leur pays, mais se heurtent à des barrières systémiques et culturelles.
L’approche de Felipe Paullier se veut pragmatique : « Les solutions pour la RDC seront différentes de celles de mon pays, l’Uruguay, et évidemment différentes de celles des autres pays voisins. » Cette reconnaissance de la spécificité du contexte congolais est essentielle pour construire des mécanismes de participation adaptés aux réalités locales.
La rencontre avec la ministre Grâce Kutino et d’autres personnalités congolaises laisse entrevoir une possible évolution. Mais les jeunes attendent plus que des promesses. Ils réclament des places dans les conseils d’administration, dans les assemblées provinciales, dans les cabinets ministériels. La véritable participation des jeunes aux instances décisionnelles en RDC passerait-elle par des quotas ? Par un système de mentorat ? Par une réforme des modes de recrutement dans la fonction publique ?
Alors que l’ONU jeunesse continue son plaidoyer pour une meilleure intégration des jeunes au Congo, une question demeure : les autorités congolaises sont-elles prêtes à partager réellement le pouvoir avec la nouvelle génération ? L’enjeu dépasse la simple représentation politique ; il s’agit de construire une nation inclusive où chaque citoyen, quel que soit son âge, peut contribuer à écrire l’avenir du pays.
La mise en œuvre effective de la résolution 2250 en RDC pourrait marquer un tournant décisif. Mais entre les discours et la réalité, le fossé reste profond. Les prochains mois seront cruciaux pour déterminer si la participation des jeunes dans les instances décisionnelles congolaises deviendra enfin une réalité tangible, ou si elle restera un vœu pieux répété dans les couloirs des conférences internationales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
