Le visage creusé par l’inquiétude, Jeanne, mère de cinq enfants, puise péniblement de l’eau dans la rivière Itimbiri. « Chaque jour, je prie pour que cette eau ne rende pas mes enfants malades », confie-t-elle, un seau rouillé à la main. Comme elle, des milliers de familles à Irumu-Centre n’ont d’autre choix que de s’approvisionner directement dans les cours d’eau, malgré les risques sanitaires évidents.
La crise eau Irumu atteint des proportions alarmantes dans cette localité pourtant stratégique du territoire d’Irumu. Plus de treize mille habitants se partagent seulement quatre points d’eau fonctionnels, une situation intenable qui pousse la population vers des solutions désespérées. Comment une telle pénurie peut-elle persister dans le chef-lieu d’un territoire ?
Le retour progressif des populations après les violences armées aurait dû s’accompagner d’un renforcement des infrastructures de base. Pourtant, la réalité est tout autre : la REGIDESO Irumu et l’ONG ALIMA peinent à répondre aux besoins croissants. Les quatre bornes-fontaines disponibles ressemblent à des gouttes d’eau dans l’océan des besoins quotidiens.
« Nous recevons en moyenne une trentaine de patients souffrant de typhoïde chaque semaine », alerte Jean-Pierre Bungamuzi, infirmier titulaire au centre de santé d’Irumu. Ce témoignage glaçant illustre l’impact direct de la pénurie d’eau potable sur la santé publique. La typhoïde Congo connaît une recrudescence inquiétante, transformant la quête quotidienne d’eau en véritable parcours du combattant sanitaire.
L’accès eau potable Ituri représente aujourd’hui un défi majeur pour les autorités locales. Les familles les plus démunies, incapables de payer les 200 francs congolais le bidon de 20 litres, n’ont d’autre alternative que la rivière. Cette inégalité criante face à une ressource vitale interpelle sur la justice sociale dans la région.
Les maladies hydriques RDC trouvent dans cette situation un terrain propice à leur propagation. Diarrhées, fièvres typhoïdes et infections diverses deviennent le lot quotidien d’une population déjà éprouvée par des années de conflits. Le cercle vicieux de la pauvreté et de la maladie s’installe durablement, menaçant les progrès accomplis dans la stabilisation de la région.
Face à cette urgence humanitaire, les appels se multiplient. « Nous demandons aux personnes de bonne volonté de nous venir en aide en construisant d’autres sources d’eau potable », plaide un responsable local. La REGIDESO Irumu, malgré ses efforts, semble dépassée par l’ampleur des besoins. Les partenaires humanitaires parviennent-ils vraiment à mesurer l’urgence de la situation ?
La question de l’eau à Irumu-Centre dépasse largement le simple cadre de l’approvisionnement. Elle touche à la dignité humaine, au droit fondamental à la santé et à la reconstruction post-conflit. Comment espérer une paix durable lorsque les populations doivent quotidiennement risquer leur vie pour s’hydrater ?
Les enjeux sont multiples : sanitaires, bien sûr, mais aussi sociaux et économiques. Les femmes et les enfants, traditionnellement chargés de la corvée d’eau, voient leur temps et leur énergie accaparés par cette tâche épuisante. L’éducation des enfants, déjà fragilisée par les années de conflit, en pâtit nécessairement.
La solution passe-t-elle par de nouveaux forages ? Par une meilleure gestion des points d’eau existants ? Par une tarification sociale de l’eau ? Les débats sont ouverts, mais une chose est certaine : l’immédiateté de la crise exige des actions concrètes et rapides.
Alors que le territoire d’Irumu tente de se relever des traumatismes des conflits armés, cette crise de l’eau représente un obstacle majeur à sa reconstruction. L’accès à l’eau potable n’est pas seulement une question de développement, c’est un impératif de survie. La communauté internationale, les autorités congolaises et la société civile parviendront-elles à relever ce défi vital pour les populations d’Irumu ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
