Le silence assourdissant des autorités congolaises face aux massacres récurrents perpétrés par les groupes armés dans le Nord-Kivu interpelle plus que jamais la conscience nationale. Alors que les attaques attribuées aux rebelles ADF se multiplient dans la localité de Byambwe, territoire de Lubero, faisant des dizaines de victimes civiles, l’absence de réaction officielle du gouvernement et des élus provinciaux soulève des questions fondamentales sur la valeur accordée à la vie humaine dans ces régions en proie à la violence.
Les organisations de la société civile, dans un élan de consternation légitime, dénoncent cette « indifférence » caractérisée des institutions devant l’hécatombe qui se déroule dans le Grand Nord. Christian Kalamo, président de la société civile sous coordination de la commune de Karisimbi à Goma, porte une voix qui résonne comme un cri d’alarme dans le désert institutionnel : « C’est presque chaque jour que nos frères sont en train de perdre leur vie dans des massacres des ADF, au niveau de Beni-Lubero dans le Grand nord ». Cette accumulation macabre de vies brisées mériterait-elle moins d’attention que d’autres drames nationaux ?
La demande de décret d’un deuil national par la société civile de Goma représente bien plus qu’un simple geste protocolaire. Elle s’inscrit dans une quête de reconnaissance symbolique et politique de la souffrance endurée par les populations du Nord-Kivu. « Est-ce que la vie de nos frères et sœurs tués dans le Grand Nord ne dit rien ? », s’interroge amèrement Christian Kalamo. Cette question rhétorique, chargée d’une émotion contenue, traduit l’incompréhension face à ce qui apparaît comme une hiérarchisation implicite des vies sacrifiées sur l’autel de l’insécurité.
Le gouvernement joue ici un jeu dangereux en maintenant ce mutisme face aux violences persistantes des ADF dans le Nord-Kivu. Ce silence institutionnel pourrait être interprété comme une forme de banalisation des massacres, voire pire, comme un désintéressement politique pour des régions perçues comme périphériques. Les conséquences de cette absence de réaction officielle dépassent largement le cadre symbolique : elles risquent de creuser davantage le fossé entre le centre décisionnel et les populations du Kivu, alimentant un sentiment d’abandon préjudiciable à la cohésion nationale.
La récurrence des attaques à Byambwe et dans l’ensemble du territoire de Lubero pose avec acuité la question de l’efficacité des stratégies de sécurité déployées dans la région. Les massacres ADF continuent de faire des victimes civiles dans une indifférence quasi-générale, tandis que la société civile de Goma tente, en vain semble-t-il, de briser ce mur de l’apathie institutionnelle. La demande de deuil national pour les victimes des attaques Byambwe représente un test de crédibilité pour les autorités congolaises : sa reconnaissance officielle constituerait un premier pas vers la restauration de la confiance perdue.
Au-delà du geste symbolique, c’est toute la politique sécuritaire dans le Grand Nord qui nécessite une réévaluation urgente. Les violences à Lubero ne sont pas des incidents isolés mais s’inscrivent dans un cycle infernal qui dure depuis des années. L’accumulation des corps sans sépulture digne et sans reconnaissance nationale finit par créer des blessures mémorielles profondes, susceptibles de compromettre durablement les efforts de réconciliation et de reconstruction dans cette région stratégique.
La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises. Répondront-elles à l’appel pressant de la société civile en décrétant ce deuil national tant attendu ? Ou persisteront-elles dans ce silence qui en dit long sur les priorités politiques du moment ? La manière dont le gouvernement gérera cette demande symbolique mais hautement politique constituera un indicateur révélateur de la place accordée aux populations du Kivu dans le projet national. Les prochains jours seront décisifs pour montrer si la solidarité nationale peut transcender les calculs politiciens et les considérations géostratégiques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
