Le visage fermé, les mains tremblantes, Jeanne*, 14 ans, raconte son calvaire dans un murmure. « Il me menaçait de tuer ma famille si je parlais. » Comme elle, des milliers d’enfants congolais vivent l’enfer silencieux des abus sexuels. Ce mardi 18 novembre, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, une occasion cruciale de briser ce silence assourdissant.
Comment protéger nos enfants face à ce fléau qui ronge notre société ? Les chiffres donnent le vertige : selon l’UNICEF, une fille sur cinq et un garçon sur sept dans le monde subiront des violences sexuelles avant leurs 18 ans. En République Démocratique du Congo, ces statistiques prennent une dimension particulièrement alarmante dans un contexte où les mécanismes de protection des enfants restent fragiles.
« La prévention des violences sexuelles doit devenir une priorité nationale », insiste le Dr Mukendi, psychologue spécialisé dans la prise en charge des victimes. « Chaque jour, je reçois des enfants brisés, marqués à vie par des sévices qui auraient pu être évités. L’exploitation des mineurs n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un système défaillant. »
Lancée en 2015 par le Conseil de l’Europe, cette journée de sensibilisation dépasse largement les frontières européennes. En RDC, des organisations locales se mobilisent pour amplifier le message. Des ateliers de sensibilisation sont organisés dans les écoles, les églises et les centres communautaires. L’objectif ? Briser les tabous et encourager les victimes à rompre le silence.
« Beaucoup de parents craignent la stigmatisation sociale », témoigne une animatrice d’ONG à Kinshasa. « Ils préfèrent étouffer l’affaire plutôt que de voir leur enfant pointé du doigt. Cette mentalité doit changer. La protection des enfants commence par notre capacité à dénoncer ces crimes. »
Le thème retenu pour 2025 met l’accent sur la nécessité de politiques fondées sur des données probantes. Un défi de taille pour la RDC, où le recueil de données fiables sur l’exploitation des mineurs reste lacunaire. Comment élaborer des stratégies efficaces sans une compréhension précise de l’ampleur du phénomène ?
Sur le terrain, les acteurs de la protection de l’enfance multiplient les initiatives. Formation des forces de sécurité, sensibilisation des éducateurs, implication des leaders communautaires : tous les maillons de la chaîne doivent être renforcés. « La lutte contre les abus sexuels sur enfants est une responsabilité collective », rappelle un responsable du Conseil de l’Europe.
Mais au-delà des discours, que font concrètement les autorités congolaises pour renforcer les droits de l’enfant en RDC ? Les observateurs pointent du doigt l’urgence de réformer le système judiciaire, de renforcer les capacités d’accueil des victimes et de mettre en place des programmes de prévention à large échelle.
Dans les quartiers populaires de Kinshasa, des mamans se mobilisent. « Nous avons créé un réseau de vigilance », explique Marie, mère de trois enfants. « Nous accompagnons les enfants à l’école, nous sensibilisons les voisins, nous signalons les comportements suspects. La protection de nos enfants est notre affaire à tous. »
Cette mobilisation citoyenne est essentielle, mais elle ne suffit pas. Les experts réclament une approche coordonnée associant État, société civile et partenaires internationaux. L’enjeu est de taille : bâtir un environnement sécurisé où chaque enfant congolais pourra grandir à l’abri de la menace des prédateurs sexuels.
Alors que le soleil se couche sur Kinshasa, Jeanne retourne dans son quartier, le cœur lourd mais l’espoir intact. « Je veux devenir avocate pour défendre les enfants comme moi », confie-t-elle. Son rêve symbolise l’urgence d’agir pour que chaque enfant congolais puisse envisager l’avenir sans crainte, dans le respect de ses droits fondamentaux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
