La République Démocratique du Congo poursuit méthodiquement sa quête d’autonomie stratégique en matière de défense, dans un contexte régional marqué par des défis sécuritaires multiformes. Cette volonté de repositionnement géostratégique s’est manifestée avec éclat lors de la première édition du salon international BAMEX 2025 à Bamako, où le Vice-Premier ministre Guy Kabombo Muadiamvita a déployé une diplomatie défensive ambitieuse.
Le choix du Mali comme terrain de déploiement de cette nouvelle offensive diplomatique n’est certainement pas anodin. Alors que Bamako navigue dans des eaux géopolitiques complexes, Kinshasa semble y voir un laboratoire pertinent pour tester de nouvelles formes de coopération militaire Sud-Sud. La participation congolaise à ce qui est présenté comme le plus grand salon de défense africain traduit une évolution significative dans la conception de la sécurité nationale.
Les rencontres bilatérales avec les autorités maliennes ont révélé une approche pragmatique, centrée sur des objectifs concrets. La discussion avec le général Sadio Camara a permis d’esquisser les contours d’un futur cadre de coopération structurée, tandis que les échanges avec le général Daoud Aly Mohammedine ont abordé les défis sécuritaires communs. La rhétorique sur la solidarité africaine masque-t-elle des calculs stratégiques plus complexes ? La réponse se niche probablement dans les interstices des déclarations officielles.
L’ouverture vers la Turquie constitue un autre volet fascinant de cette stratégie. La rencontre avec les représentants de l’industrie de défense turque suggère une diversification des partenariats, dans un secteur traditionnellement dominé par des puissances occidentales. Cette approche multidirectionnelle pourrait-elle fragiliser les alliances historiques de la RDC ? Le ministre Kabombo joue manifestement sur plusieurs tableaux, cherchant à maximiser les opportunités sans s’aliéner ses partenaires traditionnels.
Le salon BAMEX 2025 lui-même représente bien plus qu’une simple vitrine technologique. Cette plateforme émergente dans l’écosystème des salons de défense africains symbolise la recomposition des équilibres régionaux. L’organisation sous l’égide de la présidence malienne, avec le soutien d’opérateurs privés turcs, illustre les nouvelles configurations qui se dessinent dans le paysage de la sécurité continentale.
La communication gouvernementale insiste sur les aspects techniques de ces coopérations, mais derrière les échanges d’expertise et les transferts de technologie se profile une question fondamentale : la RDC parvient-elle à concilier ses ambitions régionales avec les réalités de ses capacités internes ? Le ministre des Finances suivra-t-il avec la même ardeur que son homologue de la Défense ces initiatives nécessitant des investissements substantiels ?
Les prochains mois seront déterminants pour évaluer la traduction concrète de ces engagements. L’élaboration promise d’un cadre structuré avec le Mali, comme le renforcement du partenariat avec la Turquie, devront surmonter les écueils habituels de la coopération militaire africaine : financements incertains, divergences opérationnelles et aléas politiques. La RDC parviendra-t-elle à transformer ces intentions en capacités réelles ?
Cette offensive diplomatique intervient à un moment charnière pour la sécurité régionale. Alors que certaines missions internationales se redéploient, les pays africains sont contraints de repenser leur architecture de sécurité. La stratégie congolaise, mêlant coopérations bilatérales et diversification des partenariats, reflète cette nécessité d’adaptation. Reste à savoir si elle constituera un modèle durable ou une simple parenthèse dans l’histoire tumultueuse de la sécurité en Afrique centrale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
