La capitale congolaise a servi de cadre, samedi 15 novembre, à une présentation qui pourrait avoir des répercussions significatives sur les relations déjà tendues entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Michela Wrong, journaliste britannique de renom, a exposé les conclusions de son enquête approfondie dans son ouvrage « Rwanda, assassins sans frontières » devant un public congolais attentif.
Cet événement, organisé sur invitation de l’Union pour la démocratie et le développement social (UDDC), intervient dans un contexte régional particulièrement sensible. Le livre de 542 pages, publié en France en avril 2023 aux éditions Maximilo, dresse un portrait accablant des méthodes supposées du gouvernement rwandais pour réduire au silence ses détracteurs, où qu’ils se trouvent dans le monde.
L’analyse de Michela Wrong révèle un système où la vengeance deviendrait un élément central de la gouvernance actuelle à Kigali. L’auteure, ancienne correspondante de médias prestigieux comme Reuters, BBC et Financial Times, s’appuie sur des années d’investigation pour documenter ce qu’elle présente comme une campagne systématique d’intimidation et d’élimination des opposants.
Parmi les cas les plus marquants évoqués dans son livre Rwanda assassins figure l’assassinat de Patrick Karegeya, ancien chef du renseignement extérieur rwandais, tué en Afrique du Sud dans des circonstances qui continuent d’interroger la communauté internationale. Cet événement tragique illustrerait, selon l’auteure, la détermination du régime à poursuivre ses anciens alliés « jusqu’au bout du monde ».
Mais dans quelle mesure ces révélations influenceront-elles les relations déjà complexes entre la RDC et le Rwanda ? La présence de Michela Wrong à Kinshasa et l’accueil réservé à son message par la classe politique congolaise suggèrent que ces accusations pourraient alimenter davantage les tensions existantes. La question des crimes régime rwandais demeure en effet un sujet brûlant dans la région des Grands Lacs.
Charles Bamana, président de l’UDDC, a justifié l’invitation de la journaliste britannique par la nécessité d’éclairer l’opinion publique sur des réalités souvent occultées. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où l’opposition rwandaise en exil trouve parfois écho auprès de certains cercles politiques congolais, complexifiant davantage les relations RDC Rwanda.
L’ouvrage de Michela Wrong ne se contente pas de documenter des cas individuels, mais propose une analyse structurelle des mécanismes de pouvoir à l’œuvre au Rwanda. L’auteure explore comment un État peut instrumentaliser ses services de sécurité au-delà de ses frontières, créant ainsi ce qu’elle qualifie d’« assassins sans frontières ».
La réception de ce message à Kinshasa, à quelques encablures des frontières avec le Rwanda, revêt une symbolique particulière. Elle intervient alors que les deux pays connaissent des périodes de tension récurrentes, notamment autour de la question des groupes armés opérant dans l’est de la RDC. Les accusations portées par Michela Wrong risquent d’alimenter le débat déjà houleux sur l’implication rwandaise dans cette région troublée.
Au-delà de la sphère politique, la présentation de cet ouvrage à Kinshasa interroge sur la liberté d’expression et la sécurité des journalistes investiguant sur des régimes considérés comme autoritaires. L’expérience et la crédibilité de Michela Wrong, forgées au cours de sa carrière dans de grands médias internationaux, confèrent à ses révélations un poids particulier que les observateurs régionaux ne pourront ignorer.
Alors que le livre continue de faire des vagues dans les milieux diplomatiques et journalistiques, une question demeure : ces révélations marqueront-elles un tournant dans la manière dont la communauté internationale appréhende les relations avec le gouvernement rwandais ? La réponse à cette interrogation pourrait bien déterminer l’évolution future des dynamiques géopolitiques dans toute la région des Grands Lacs africains.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
