La persistance des crises institutionnelles au sein des entités territoriales congolaises vient de provoquer une réaction présidentielle d’une rare intensité. Lors du Conseil des ministres du 14 avril 2025, Félix Tshisekedi a dégainé le vocabulaire de la dernière chance face à ce qu’il qualifie de « dérive inacceptable » menaçant les fondements mêmes de l’État.
Le Chef de l’État a dressé un constat sans appel : malgré l’acte d’engagement signé par les présidents d’assemblées provinciales et les gouverneurs instaurant un moratoire sur les motions de défiance, la situation continue de se détériorer dans plusieurs provinces. Cette recrudescence de déstabilisation des institutions provinciales traduit-elle l’échec des mécanismes de dialogue ou révèle-t-elle des résistances plus profondes au sein du système politique congolais ?
La communication présidentielle a levé un coin de voile sur l’origine de ces turbulences. Selon des informations concordantes parvenues au sommet de l’État, des manœuvres de déstabilisation seraient orchestrées depuis Kinshasa par certains leaders politiques ou autorités morales. Ces acteurs manipuleraient des élus provinciaux pour satisfaire des intérêts partisans, au détriment du développement national. Le Président de la République a affirmé avec gravité que « cela doit cesser immédiatement ».
La fermeté du ton employé par Félix Tshisekedi lors de cette 44ᵉ réunion du Conseil des ministres interroge sur la capacité réelle du pouvoir central à imposer sa volonté dans les arènes provinciales. « La République ne peut tolérer que des ambitions personnelles ou des calculs politiciens prennent en otage la gouvernance provinciale », a-t-il insisté, dans une formulation qui souligne l’urgence de la situation.
En réponse à cette crise persistante, le Chef de l’État a opté pour une approche multidimensionnelle. Il a chargé les Vice-Premiers ministres, le ministre de l’Intérieur ainsi que les services d’intelligence et de sécurité de renforcer les mécanismes de suivi, d’alerte et de prévention. Cette militarisation de la surveillance politique vise à détecter et neutraliser toute tentative d’ingérence ou de manipulation, sans pour autant museler les droits et expressions démocratiques.
Parallèlement, les présidents des partis et regroupements politiques ont été appelés à rappeler à l’ordre leurs membres impliqués et à encourager une attitude responsable. Cette double stratégie – sécuritaire et politique – traduit-elle la complexité d’un dossier où les lignes de fracture traversent l’ensemble de la classe politique ?
Le gouvernement, par le biais du Vice-Premier ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabani, avait récemment demandé aux bureaux des assemblées provinciales d’adopter une résolution suspendant les motions et pétitions « pendant cette période de guerre ». Cette mesure exceptionnelle, justifiée par le contexte sécuritaire avec l’agression rwandaise via la rébellion de l’AFC/M23, continue de susciter des réactions contrastées dans l’environnement sociopolitique congolais.
Si les autorités y voient un moyen de préserver la stabilité institutionnelle, plusieurs députés provinciaux appellent à aller au-delà des simples communications politiques et à s’attaquer aux causes profondes des tensions récurrentes. Cette position a été exprimée lundi 10 novembre 2025 par les présidents des assemblées provinciales, lors d’une rencontre à la Primature avec la Première ministre Judith Suminwa Tuluka.
La question fondamentale qui se pose aujourd’hui est de savoir si ces nouvelles instructions présidentielles suffiront à rétablir une gouvernance provinciale apaisée. Le Président Tshisekedi a mis en garde tous ceux qui s’adonneraient à l’organisation, au financement ou à l’incitation à la déstabilisation des institutions, promettant que « des mesures exemplaires seront prises à leur encontre conformément aux lois de la République ».
Cette escalade verbale et opérationnelle intervient dans un contexte où la stabilité politique RDC semble plus fragile que jamais. Les motions défiance provinciales, si elles persistent, pourraient compromettre la mise en œuvre des réformes structurelles et entraver la lutte contre l’insécurité dans l’Est du pays. Le gouvernement provincial Congo se trouve ainsi au cœur d’un bras de fer dont l’issue déterminera la capacité de l’État à assurer sa cohésion territoriale.
L’efficacité de cette nouvelle offensive présidentielle contre la déstabilisation des institutions provinciales se mesurera à l’aune de sa capacité à créer les conditions d’une véritable trêve politique. Les prochaines semaines révéleront si les acteurs concernés ont saisi la gravité de l’avertissement ou s’ils persisteront dans des stratégies de contournement qui menacent durablement l’équilibre institutionnel du pays.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
