Dans une manœuvre politique soigneusement orchestrée, le sénateur Salomon Idi Kalonda a procédé à la remise symbolique de cinq motos aux chefs coutumiers du territoire de Kibombo, au Maniema. Cette initiative, présentée comme un simple soutien logistique, révèle en réalité une stratégie d’ancrage territorial dont les ramifications politiques méritent décryptage.
Comment interpréter ce geste apparemment anodin dans le contexte socio-politique volatile du Maniema ? La mobilité des autorités traditionnelles, longtemps reléguée au second plan des préoccupations gouvernementales, devient soudainement l’objet d’une attention particulière du sénateur. Ces cinq motos, bien plus que de simples moyens de transport, symbolisent-elles l’émergence d’un nouveau paradigme dans les relations entre élus et autorités coutumières ?
Le chef Shuku Lokale Pene Wembo, l’un des bénéficiaires, ne s’y est pas trompé en qualifiant le don de « grand soulagement ». Ses propos traduisent une réalité criante : l’absence chronique de moyens de déplacement entravait jusqu’alors l’exercice même des fonctions traditionnelles. La nécessité de recourir à la location de motards pour des missions urgentes illustre l’ampleur des carences infrastructurelles dans cette région.
Cette initiative politique au Maniema dépasse largement le cadre de la simple assistance logistique. En dotant les chefs coutumiers de moyens de mobilité, le sénateur Kalonda leur offre surtout la capacité de renforcer leur emprise sur leurs juridictions respectives. L’encadrement des populations, la gestion des conflits locaux et la représentation administrative – piliers de l’autorité traditionnelle – se trouvent ainsi considérablement facilités.
Quelles contreparties politiques le sénateur attend-il de ce geste apparemment désintéressé ? La déclaration du chef Wembo, promettant « soutien » au « fils Salomon Idi », laisse entrevoir les implications clientélistes de cette opération. Dans l’arène politique congolaise, où l’influence des chefs coutumiers reste déterminante lors des scrutins, de telles initiatives ne relèvent jamais du simple hasard.
Plusieurs notables présents lors de la cérémonie ont salué l’impact potentiel de cette mobilité retrouvée sur la gouvernance de proximité. Pourtant, on peut légitimement s’interroger : cette distribution ciblée de moyens de transport ne risque-t-elle pas de créer des déséquilibres dans le paysage traditionnel local ? Les chefs bénéficiaires verront-ils leur légitimité renforcée ou, au contraire, compromise par cet apparent marquage politique ?
Le sénateur Kalonda, dans sa communication, a soigneusement évité d’évoquer les aspects électoralistes de son geste, préférant mettre en avant son « engagement à accompagner les leaders communautaires ». Cette rhétorique de l’accompagnement masque-t-elle une stratégie plus ambitieuse de consolidation d’un bastion politique ? La réponse se trouvera sans doute dans les prochains développements de la vie politique provinciale.
Cette opération de mobilité des autorités traditionnelles interroge fondamentalement sur l’évolution des rapports de force dans la province. Les chefs coutumiers, désormais mieux équipés, deviendront-ils les relais d’influence du sénateur ou sauront-ils préserver leur indépendance traditionnelle ? La frontière entre soutien légitime et instrumentalisation politique apparaît ici singulièrement poreuse.
À l’heure où la décentralisation effective peine à se concrétiser, cette initiative soulève des questions cruciales sur la reconfiguration des pouvoirs locaux. Le territoire de Kibombo devient ainsi le laboratoire d’une nouvelle forme de gouvernance hybridant modernité politique et tradition coutumière. Les prochains mois révèleront si cette symbiose apparente résistera aux réalités du terrain et aux ambitions politiques contradictoires.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
