Le Programme alimentaire mondial (PAM) entame une démarche innovante à Beni, dans la province du Nord-Kivu, en intégrant systématiquement les besoins des communautés locales dans l’élaboration de son prochain plan quinquennal. Cette approche participative, inaugurée lors d’une rencontre cruciale tenue jeudi 13 novembre avec les autorités provinciales, les acteurs de développement et la société civile, marque un tournant dans les méthodes d’intervention humanitaire dans cette région en proie à des défis multiples.
Cette consultation initiale s’inscrit dans une vision plus large de gouvernance participative que le gouvernement provincial du Nord-Kivu souhaite instaurer. Comment les besoins des populations les plus vulnérables peuvent-ils véritablement orienter les programmes de développement ? Cette question fondamentale guide désormais l’action du PAM dans la région. L’organisation internationale reconnaît ainsi que les solutions durables ne peuvent émerger sans une implication réelle des communautés concernées.
Éric Kisa Kayobera, coordonnateur principal de l’administration provinciale, souligne l’importance de cette démarche : « Nous pensons que cette consultation n’est qu’un début d’un processus, et ce processus s’inscrit également dans l’approche du gouvernement provincial, qui est une approche particulière de la gouvernance participative. Cette gouvernance participative permettra, lors de l’élaboration du plan, de diagnostiquer et de prendre en compte les besoins primaires de la base. »
Le plan quinquennal du PAM pour le Nord-Kivu ambitionne ainsi de rompre avec les modèles traditionnels d’assistance. En collectant des informations provenant des zones les plus reculées de la province, l’organisation internationale espère concevoir un programme véritablement adapté aux réalités locales. Cette méthode ascendante (bottom-up) représente-t-elle l’avenir de l’aide humanitaire en République Démocratique du Congo ? Les premiers éléments de réponse émergeront au fil des prochaines consultations.
La situation particulière du Nord-Kivu, marquée par l’insécurité persistante et les déplacements de populations, nécessite en effet des interventions ciblées et contextualisées. Les communautés de base, souvent exclues des processus décisionnels, détiennent pourtant une connaissance intime des défis à relever et des solutions à privilégier. Leur implication directe dans l’élaboration du plan quinquennal du PAM à Beni pourrait donc constituer un précédent significatif pour l’ensemble des interventions de développement dans la région.
Au-delà de la simple collecte d’informations, cette démarche vise à établir des mécanismes durables de collaboration entre le PAM, les autorités congolaises et la société civile. La réussite de ce plan quinquennal Nord-Kivu dépendra en grande partie de la capacité des différents acteurs à maintenir ce dialogue constructif tout au long du processus. Les défis logistiques et sécuritaires ne doivent pas être sous-estimés, particulièrement dans les zones rurales éloignées où les besoins humanitaires sont souvent les plus criants.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte régional plus large où la recherche d’efficacité dans l’aide internationale devient une préoccupation majeure. Les bailleurs de fonds sont de plus en plus exigeants quant à l’impact réel des programmes qu’ils financent. L’approche participative adoptée par le PAM à Beni répond à cette exigence de redevabilité et de pertinence. Reste à savoir si les structures administratives locales seront en mesure de soutenir durablement ce type de gouvernance participative RDC.
L’enjeu dépasse largement la simple élaboration d’un document stratégique. Il s’agit ni plus ni moins de redéfinir les relations entre les organisations internationales, l’État congolais et les populations bénéficiaires. Les communautés de base, longtemps considérées comme de simples réceptacles de l’aide, deviennent ainsi des partenaires à part entière dans la conception et la mise en œuvre des programmes qui les concernent directement.
La prochaine étape consistera à élargir ces consultations à l’ensemble du territoire provincial, un défi ambitieux dans une région où l’accès à certaines zones reste problématique. La capacité du PAM Beni à surmonter ces obstacles déterminera en grande partie la crédibilité et l’efficacité de son futur plan quinquennal. Le succès de cette entreprise pourrait inspirer d’autres organisations œuvrant dans le domaine du développement en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
