Le cœur écologique de la RDC bat au rythme d’une inquiétude grandissante. Dans le Graben Albertine, région riche en biodiversité, 70% des populations riveraines des blocs pétroliers expriment un rejet catégorique face aux projets d’exploitation des hydrocarbures. Cette opposition massive, révélée par une étude approfondie du Cadre de Concertation sur les Ressources Naturelles, dessine les contours d’une crise de confiance aux implications environnementales profondes.
Le lac Albert, véritable poumon bleu partagé avec l’Ouganda, devient l’épicentre des préoccupations. Comment ne pas s’alarmer lorsque 75% des habitants redoutent la disparition pure et simple des écosystèmes aquatiques ? Cette terreur écologique trouve son écho dans les 65% de personnes craignant une pollution généralisée qui asphyxierait progressivement cette richesse naturelle. La perception des populations face aux hydrocarbures se teinte ainsi d’une angoisse légitime pour leur survie environnementale.
Au-delà des paysages menacés, ce sont des vies humaines qui se sentent sacrifiées sur l’autel du profit. L’étude révèle que 40% des communautés s’inquiètent des délocalisations et de la perte irrémédiable de leurs moyens de subsistance traditionnels. La pêche, l’élevage et l’agriculture – piliers séculaires de cette économie locale – pourraient s’effondrer comme un château de cartes face à l’arrivée des derricks. Cette consultation des communautés sur les ressources naturelles apparaît aujourd’hui comme un exercice biaisé, voire inexistant.
Le fossé se creuse entre une majorité inquiète et une minorité séduite par les promesses économiques. Les 30% favorables aux projets pétroliers évoquent l’espoir des emplois locaux (45%) et du développement des infrastructures (35%). Mais cette lueur d’espoir suffira-t-elle à compenser les risques sanitaires anticipés ? L’étude alerte sur l’apparition potentielle de cancers et de malformations congénitales, fléaux déjà observés dans d’autres zones d’exploitation pétrolière en Afrique.
La dimension culturelle et sacrée représente l’autre grand oublié des analyses coûts-bénéfices. La terre, le lac et les rivières portent en eux une valeur ancestrale que les communautés refusent de voir disparaître. Cette perception des populations dépasse largement le simple calcul économique pour toucher à l’identité même des peuples riverains. Le déficit criant dans la consultation des communautés concernant les ressources naturelles creuse chaque jour davantage le fossé de la méfiance.
Face à cette urgence écologique et sociale, l’étude propose une alternative : la transition énergétique vers des sources renouvelables. Les populations y voient une voie d’avenir plus respectueuse de leur environnement et de leur héritage. Cependant, cette solution se heurte encore à des contraintes économiques et techniques nécessitant des investissements massifs.
La balle est désormais dans le camp des décideurs. Intégrer pleinement les points de vue des communautés locales dans les processus décisionnels n’est plus une option mais une nécessité absolue. Le principe de consultation libre, préalable et éclairée doit devenir la colonne vertébrale de toute future exploitation dans le Graben Albertine. Le temps n’est plus aux demi-mesures mais à une refonte complète de notre approche des ressources naturelles.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd
