Le siège de Transco au cœur de Matonge, dans la commune de Kalamu, vibrait d’une tension palpable ce mercredi 12 novembre. Les visages fermés des représentants syndicaux en disaient long sur l’ampleur de la colère qui gronde au sein de cette entreprise publique. Comment une société censée désenclaver Kinshasa peut-elle elle-même être aux abois ?
Jean Kadima Mukeba, porte-voix de l’intersyndicale, ne mâche pas ses mots : « Le gouvernement n’a payé que quatre mois sur les douze prévus, amputés de la retenue de l’effort de guerre. » Les chiffres qu’il avance sont accablants. L’OPI n°1973456 du mois de septembre 2025 croupirait encore à la Banque Centrale du Congo, tandis que les mois d’avril, mai, juillet et août 2025 restent impayés malgré les rappels du Vice-Premier Ministre des Transports.
La situation devient insoutenable pour les travailleurs. Imaginez-vous, employé d’une entreprise publique, devant faire face à l’inflation galopante avec des salaires qui n’arrivent pas ? Le plafonnement du prix de la course à 500 francs congolais, sans compensation salariale, réduit à néant le pouvoir d’achat déjà précaire des agents. Comment survivre dans une ville comme Kinshasa avec de tels revenus ?
Le conflit social à Transco dépasse la simple question des salaires impayés. Il révèle une gestion défaillante qui mine depuis des années cette entreprise stratégique. La non-application du SMIG, les subventions d’équilibre non versées, les créances gouvernementales non honorées… Autant de plaies qui saignent la trésorerie de l’entreprise.
L’intersyndicale de Transco lance un ultimatum clair : sept jours ouvrés pour répondre aux revendications, sous peine de voir se réunir une Assemblée Générale des Travailleurs. « L’État propriétaire sera le seul responsable par manque d’un partenariat franc », prévient Jean Kadima Mukeba. La menace de grève à Transco plane comme une épée de Damoclès sur le transport kinois.
Cette crise intervient dans un contexte déjà tendu, marqué par des conflits de gouvernance. Rappelez-vous : début février, le ministre des Transports Jean-Pierre Bemba avait suspendu le DG Cyprien Mbere pour installer une direction intérimaire, après des accusations mutuelles avec le PCA. Ces luttes intestines n’ont fait qu’aggraver le climat social déjà délétère.
Quelles conséquences pour les usagers si la grève chez Transco se concrétise ? Des milliers de Kinois dépendent quotidiennement des services de cette entreprise. La paralysie de Transco signifierait l’asphyxie d’une partie de la mobilité urbaine déjà fragile.
L’appel à la tripartite gouvernement-employeur-banc syndical apparaît comme la dernière chance d’éviter l’explosion sociale. Mais le gouvernement entendra-t-il la détresse des travailleurs ? Les salaires impayés à Transco cristallisent-ils un malaise plus profond dans la gestion des entreprises publiques en RDC ?
La question du SMIG dans le transport devient un symbole des inégalités croissantes. Comment justifier que ceux qui assurent la circulation dans la capitale ne puissent eux-mêmes subvenir dignement à leurs besoins ? La colère des syndicats de Transco reflète l’exaspération d’une profession qui se sent abandonnée par l’État.
Alors que l’intersyndicale de Transco se mobilise, les travailleurs attendent des actes concrets. Les promesses budgétaires non tenues, les mois impayés, le non-respect des engagements… Autant de griefs qui alimentent la défiance. La relance de Transco passe nécessairement par une revalorisation des conditions de travail et une gestion transparente.
Le sort des travailleurs de Transco interroge plus largement sur la place de l’humain dans les politiques économiques. Quand les salaires deviennent des variables d’ajustement, quand le SMIG reste lettre morte, c’est toute la cohésion sociale qui s’effrite. La RDC peut-elle se développer en laissant ses travailleurs dans la précarité ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
