La capitale congolaise a été le théâtre ce lundi d’une démonstration politique aussi symbolique que révélatrice des tensions judiciaires internationales qui entourent le dossier Roger Lumbala. Des centaines de militants du Rassemblement des Congolais démocrates nationalistes ont défilé dans les artères de Kinshasa, transformant l’espace public en tribune politique pour défendre un de leurs illustres membres face à ce qu’ils considèrent comme une ingérence française inacceptable.
Le procès de Roger Lumbala devant la Cour d’assises de Paris représente-t-il un précédent dangereux pour la souveraineté judiciaire congolaise ? Cette question fondamentale plane au-dessus des manifestations, tandis que l’ancien ministre, député et sénateur se prépare à comparaître pour des faits remontant à la période troublée de l’opération « Effacer le tableau » en Ituri entre 2002 et 2003. La France, en invoquant le principe de compétence universelle, ouvre-t-elle la boîte de Pandore des interventions judiciaires extraterritoriales ?
La marche s’est conclue par un sit-in stratégiquement organisé devant l’Ambassade de France, où Lord Ilanga, secrétaire exécutif du RCD/N, a déposé un mémorandum exigeant avec fermeté l’extradition immédiate de Roger Lumbala vers la RDC. « La France ne fait que bafouer la souveraineté de notre pays », a-t-il déclaré, résumant le sentiment général des manifestants. Cette déclaration, percutante et sans équivoque, souligne l’ampleur du malaise diplomatique entre Kinshasa et Paris.
Le gouvernement congolais se trouve dans une position délicate. Le Chef de l’État Félix Tshisekedi aurait, selon le RCD/N, instruit son gouvernement à formuler une demande officielle d’extradition restée sans réponse des autorités françaises. Ce silence parisien est perçu comme un affront diplomatique et alimente les suspicions d’une justice à deux vitesses. La stratégie française de compétence universelle est-elle véritablement motivée par des considérations humanitaires ou cache-t-elle des calculs politiques plus obscurs ?
Les implications de cette affaire dépassent largement le cas individuel de Roger Lumbala. Elles touchent à la question épineuse de la compétence universelle France RDC et pourraient établir un précédent lourd de conséquences pour les relations internationales de la République Démocratique du Congo. Le RCD/N, en mobilisant ses troupes, envoie un message clair à la communauté internationale : la RDC entend défendre sa souveraineté judiciaire contre ce qu’elle perçoit comme une nouvelle forme de néocolonialisme judiciaire.
La procédure judiciaire concernant les crimes contre l’humanité en Ituri représente un test crucial pour le système judiciaire congolais. Les partisans de Roger Lumbala affirment que la RDC dispose désormais des institutions capables de juger ses propres citoyens, rendant superflue l’intervention de la justice française. Cette position remet en question la légitimité même du procès Paris et soulève des interrogations fondamentales sur l’équilibre entre justice internationale et souveraineté nationale.
La mobilisation du RCD/N à Kinshasa pourrait n’être que le prélude à des mouvements de protestation plus amples. Les appels à une mobilisation nationale pour défendre la souveraineté judiciaire congolaise résonnent dans un contexte politique déjà tendu. La question de l’extradition RDC France devient ainsi un enjeu national, dépassant les clivages politiques traditionnels pour toucher à la fierté nationale et à l’indépendance du pays.
Les prochains jours seront décisifs. L’ouverture du procès Roger Lumbala à Paris mercredi et la réponse française aux demandes d’extradition détermineront l’évolution de cette crise diplomatique. La RDC parviendra-t-elle à faire valoir ses arguments sur la scène internationale ? La France acceptera-t-elle de revoir sa position sur la compétence universelle dans cette affaire ? Les réponses à ces questions dessineront les nouvelles frontières de la souveraineté judiciaire en Afrique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
