La visite du ministre de la Justice, Guillaume Ngefa, à la prison centrale de Kisangani a mis en lumière une situation sociale explosive au sein de l’administration pénitentiaire de la Tshopo. Les agents pénitentiaires, confrontés à des impayés de salaires s’étalant sur plusieurs années, ont saisi cette opportunité pour exposer leur détresse financière devant la plus haute autorité judiciaire du pays.
La délégation des agents pénitentiaires de la Tshopo a présenté un tableau alarmant de leur condition professionnelle. Certains surveillants affirment exercer leurs fonctions depuis 2017 sans avoir jamais été régulièrement mécanisés, tandis que d’autres cumulent près d’une décennie de service sans perception régulière de leur rémunération. Cette situation de précarité extrême soulève des interrogations fondamentales sur la capacité du système carcéral congolais à maintenir ses missions régaliennes.
Comment assurer la sécurité des détenus et le bon fonctionnement des établissements pénitentiaires lorsque les gardiens eux-mêmes luttent pour leur survie quotidienne ? La question, posée avec insistance par les représentants du personnel, trouve un écho particulier dans les déclarations du porte-parole des détenus, qui a évoqué le recours à la mendicité par certains surveillants pour subvenir à leurs besoins essentiels.
La prison centrale de Kisangani, conçue initialement pour 500 pensionnaires, en héberge actuellement plus de 1100, selon les chiffres officiels communiqués lors de cette visite ministérielle. Cette surpopulation carcérale, couplée à la précarité des conditions de travail des agents, crée un terrain propice aux tensions et compromet gravement les standards minimums de traitement des détenus.
Le ministre Guillaume Ngefa a ensuite poursuivi sa tournée d’inspection au centre de détention d’Osio, situé à seize kilomètres au sud-ouest de Kisangani. Soixante-dix détenus y ont exprimé des préoccupations similaires, réclamant notamment une amélioration substantielle de leurs conditions alimentaires. Cette convergence des doléances entre personnel et population carcérale dessine les contours d’une crise systémique affectant l’ensemble du dispositif pénitentiaire provincial.
Face à l’accumulation de ces témoignages accablants, le ministre de la Justice s’est engagé à transmettre l’ensemble des préoccupations recueillies au gouvernement central. La promesse de solutions éventuelles, bien que saluée par les parties prenantes, ne suffit pas à dissiper l’inquiétude persistante quant à la pérennisation d’une situation jugée intenable par l’ensemble des acteurs concernés.
Les conditions carcérales en RDC, particulièrement dans la province de la Tshopo, atteignent un seuil critique qui interpelle la conscience nationale. La question des salaires impayés des surveillants dépasse le simple cadre social pour revêtir une dimension sécuritaire et humanitaire urgente. La crédibilité des réformes engagées dans le secteur de la justice se joue aujourd’hui dans la capacité des autorités à apporter des réponses concrètes et immédiates à cette crise multiforme.
La visite du ministre Guillaume Ngefa aura au moins eu le mérite de mettre en lumière des réalités souvent occultées. Reste à savoir si cette prise de conscience se traduira par des actions concrètes permettant de sortir le système pénitentiaire de la Tshopo de l’ornière où il se trouve englué depuis de trop nombreuses années.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
