Le centre commercial de Salamabila, habituellement bouillonnant d’activités, ressemble depuis vendredi à une ville fantôme. Les étals vides, les boutiques fermées et le silence inquiétant qui règne sur le marché central racontent une histoire de deuil et de colère. « Nous pleurons notre frère, tué sauvagement par un général autoproclamé Wazalendo », confie l’un des commerçants Bashi-Bahavu, la voix chargée d’émotion. Comment une communauté entière peut-elle ainsi se paralyser face à la violence qui frappe ses membres ?
La tragédie s’est produite dans le groupement de Batale, village Mulongo, dans le territoire voisin de Shabunda. Un jeune commerçant ambulant a perdu la vie entre les mains d’un groupe Wazalendo du Maniema, plongeant toute la communauté des opérateurs économiques dans le chagrin. En réponse, les commerçants Bashi-Bahavu de Salamabila ont décidé d’un mouvement de protestation sans précédent : trois jours de deuil et de fermeture complète de leurs commerces.
Le marché central de Salamabila, cœur économique de la localité, présente un spectacle désolant. Les kiosques fermés, les magasins aux rideaux baissés, les allées désertées – tout témoigne de l’ampleur de ce mouvement de solidarité. Ces commerçants, dont les produits en provenance de Bukavu alimentent normalement tout le marché local, ont choisi de frapper là où ça fait mal : l’économie.
« Les biens vont manquer durant cette période, parce que personne d’entre nous ne va vendre », explique un membre de la communauté Bashi-Bahavu. Cette décision courageuse mais coûteuse soulève une question fondamentale : jusqu’où une communauté doit-elle aller pour obtenir justice face à l’impunité des groupes armés ?
Derrière ce geste de protestation se cache une stratégie bien calculée. Les commerçants entendent ainsi exercer une pression sur les décideurs pour qu’ils engagent des poursuites judiciaires contre les bourreaux des populations civiles. La crise économique qui s’annonce à Salamabila pourrait bien servir de catalyseur pour dénoncer l’insécurité persistante dans la région.
Les conséquences se font déjà sentir dans les ménages de Salamabila. Les habitants redoutent une pénurie imminente des produits de première nécessité. L’économie locale, qui repose principalement sur le commerce exercé par les commerçants ambulants Bashi-Bahavu, tourne au ralenti. Cette situation met en lumière la vulnérabilité d’un système économique dépendant d’une seule communauté commerçante.
Le meurtre de Shabunda et la réaction des commerçants de Salamabila posent des questions plus larges sur la sécurité des opérateurs économiques dans l’est de la RDC. Comment développer le commerce dans une région où la menace des groupes armés plane constamment sur les commerçants ? La solidarité manifestée par la communauté Bashi-Bahavu montre cependant une résilience remarquable face à l’adversité.
Alors que Salamabila traverse cette période difficile, une interrogation demeure : cette protestation silencieuse mais puissante parviendra-t-elle à briser le cycle de violence et d’impunité ? La réponse se jouera dans les prochains jours, au moment où les commerçants décideront de rouvrir leurs boutiques et où les autorités devront rendre des comptes sur les actions entreprises pour faire justice.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
