La scène politique kinoise a vibré au rythme d’une revendication mémorielle qui pourrait bien redéfinir les fondements de la justice transitionnelle en République Démocratique du Congo. Vendredi 7 novembre, l’Association Nationale des Victimes du Congo (ANVC) a orchestré une conférence-débat d’une intensité rare, transformant l’espace de discussion en tribune pour la reconnaissance du génocide congolais. Cette initiative, qui s’inscrit dans une temporalité politique sensible, interroge la capacité des institutions à assumer leur devoir de mémoire face aux atrocités qui ont ensanglanté le pays.
« La reconnaissance du génocide congolais constitue une forme de réparation pour les victimes », a martelé Christelle Kanzay Muema, porte-parole de l’ANVC, dans une intervention qui a marqué les esprits. Son plaidoyer, teinté d’une urgence mémorielle, appelle à une appropriation collective de cette cause par l’ensemble de la société congolaise. La question se pose avec acuité : jusqu’à quand la souffrance de millions de Congolais restera-t-elle dans l’angle mort de la reconnaissance internationale ?
Le député national Aldos Tshitoko a apporté sa pierre à l’édifice en déployant un argumentaire politique des plus convaincants. Son plaidoyer pour une reconnaissance officielle du génocide, tant au niveau national qu’international, révèle des enjeux qui dépassent la simple question mémorielle. Cette démarche, selon l’élu, engage rien moins que la reconstruction identitaire d’une nation meurtrie par des décennies de violence. Le pari est audacieux : transformer la victimisation en force politique capable d’imposer sa vérité historique.
La présence de Paul Nsapu, président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, a conféré à l’événement une légitimité institutionnelle certaine. Son soutien affiché à l’initiative de l’ANVC souligne la convergence entre société civile et institutions sur la nécessité de donner une voix aux victimes. Cette alliance inédite pourrait-elle constituer le ferment d’une politique mémorielle enfin assumée ?
La conférence-débat de Kinshasa a rassemblé un aréopage impressionnant d’acteurs engagés – société civile, journalistes, associations de victimes – tous unis par une volonté commune : voir la souffrance du peuple congolais reconnue et réparée. Cette mobilisation transversale témoigne d’une prise de conscience collective face à l’impératif de justice transitionnelle. Le processus de réparation des victimes des conflits armés devient ainsi l’étendard d’une revendication plus large : celle de la dignité retrouvée.
Les implications politiques de cette reconnaissance du génocide congolais sont multiples et complexes. Sur le plan international, elle obligerait la communauté internationale à regarder en face sa propre responsabilité dans les tragédies qui ont frappé la RDC. Nationalement, elle contraindrait l’État congolais à assumer pleinement son rôle de garant de la mémoire collective. Cette double reconnaissance constituerait un tournant décisif dans la construction de la paix durable.
La route vers la réparation complète des victimes reste semée d’embûches. Les résistances politiques, les enjeux géostratégiques et les considérations économiques pourraient freiner l’élan initié par l’ANVC. Pourtant, la détermination affichée lors de cette conférence-débat à Kinshasa laisse entrevoir la possibilité d’un changement de paradigme. La société civile congolaise, par cette initiative, pose les jalons d’une justice mémorielle qui ne saurait plus attendre.
À l’heure où les blessures du passé continuent de saigner au présent, la reconnaissance du génocide congolais s’impose comme un impératif catégorique. L’ANVC, par son action persistante, transforme progressivement le paysage mémoriel congolais. Reste à savoir si les institutions nationales et internationales sauront entendre cet appel à la justice et à la réparation. La balle est désormais dans le camp des décideurs politiques, qui devront assumer leurs responsabilités historiques face à ce qui constitue peut-être l’un des plus grands drames humains de ce début de siècle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
