La ministre d’État des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo, Thérèse Kayikwamba Wagner, a officiellement engagé des poursuites judiciaires pour diffamation, atteinte à la vie privée et propagation de fausses informations contre deux journalistes et un site d’information. Cette décision, annoncée le vendredi 7 novembre 2025 via une déclaration publiée sur son compte X, intervient dans un contexte particulièrement sensible pour la diplomatie congolaise.
Les poursuites judiciaires concernent trois entités distinctes opérant depuis différentes juridictions internationales. Pero Luwara, responsable de la chaîne CPL TV basée en Belgique, et Emmanuel Banzunzi, à la tête de Bishop national depuis la Suède, font l’objet de plaintes déposées dans leurs pays respectifs d’activité. Le site d’information Congointelligent.com complète cette liste de défendeurs, illustrant la dimension transnationale de cette affaire judiciaire qui s’annonce complexe.
L’origine de cette action en justice remonte à la diffusion massive sur les réseaux sociaux de vidéos et publications commentant l’apparition de la ministre aux côtés du président Félix Tshisekedi lors d’un sommet diplomatique à Doha, au Qatar. Ces contenus, selon la plaignante, auraient franchi la ligne jaune séparant le droit à l’information du respect de la vie privée et de la dignité humaine.
Dans sa déclaration, Thérèse Kayikwamba Wagner justifie son recours à la justice par l’impérieuse nécessité de protéger son enfant et de préserver l’intégrité de sa famille. La ministre souligne également l’importance de pouvoir exercer ses fonctions avec la sérénité requise, particulièrement dans le contexte actuel de tensions régionales que traverse la République démocratique du Congo.
Au-delà de la défense de ses intérêts personnels, la cheffe de la diplomatie congolaise y voit un combat symbolique pour toutes les femmes confrontées aux violences verbales, au dénigrement systématique et aux propos sexistes. « Aucune femme, publique ou non, ne devrait voir son corps ou sa vie privée transformés en champ de bataille », affirme-t-elle avec une conviction qui résonne comme un plaidoyer pour le respect de la dignité féminine dans l’espace public.
Cette affaire s’inscrit dans un paysage médiatique congolais souvent critiqué pour ses dérives, où la frontière entre investigation journalistique et atteinte à la vie privée semble parfois s’estomper. Les poursuites engagées par la ministre Kayikwamba Wagner pourraient constituer un précédent important dans la jurisprudence relative à la diffamation et à la protection de la vie privée des personnalités publiques en RDC.
Le timing de cette annonce interpelle également les observateurs de la scène politique congolaise. Alors que le pays fait face à des défis sécuritaires majeurs et que la diplomatie congolaise est mobilisée sur plusieurs fronts de crise, la ministre affirme consacrer sa priorité à la défense de la souveraineté nationale, à la protection des populations et à la recherche de la paix. Elle confie à la justice le soin de traiter cette affaire personnelle, manifestant ainsi sa confiance dans les institutions judiciaires.
Les procédures engagées en Belgique, en Suède et aux États-Unis soulèvent d’intéressantes questions de droit international privé et de compétence juridictionnelle. Comment les tribunaux de ces différents pays apprécieront-ils les accusations portées par une ministre congolaise contre des médias opérant depuis leur territoire ? La réponse judiciaire à cette question pourrait établir des standards importants pour la régulation des contenus numériques transfrontaliers.
Cette affaire témoigne également de l’évolution des défis auxquels sont confrontées les personnalités publiques à l’ère du numérique. La viralité des contenus sur les réseaux sociaux, l’absence de frontières claires dans l’espace digital et la difficulté à contrôler la diffusion d’informations personnelles créent un environnement où la protection de la vie privée devient un combat juridique complexe.
La détermination affichée par Thérèse Kayikwamba Wagner dans cette démarche judiciaire envoie un signal fort à l’ensemble de la classe médiatique congolaise et internationale. Elle rappelle que le droit à l’information, bien que fondamental, ne saurait justifier des atteintes à la dignité des personnes, qu’elles occupent ou non des fonctions publiques. Cette affaire pourrait marquer un tournant dans les relations entre pouvoir politique et presse en RDC, invitant à une réflexion approfondie sur les limites éthiques du journalisme à l’ère numérique.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
