Le secteur pharmaceutique congolais est à un tournant décisif de son histoire. Alors que s’ouvre le 6e congrès ordinaire de l’Ordre national des pharmaciens à Kinshasa, une question fondamentale se pose : comment ces professionnels de santé peuvent-ils devenir les piliers d’un système de santé plus accessible et plus efficace ?
Pendant trois jours, des pharmaciens venus des 26 provinces du pays et même de la diaspora congolaise réfléchissent à leur rôle stratégique dans l’amélioration de l’accès aux soins. Cette rencontre quadriennale arrive à un moment crucial, alors que la République Démocratique du Congo accélère la mise en œuvre de sa politique de Couverture santé universelle (CSU).
Polydor Mbongani, coordinateur national de la CSU, a lancé les travaux en soulignant l’importance capitale des pharmaciens dans ce dispositif. « La couverture santé universelle vise à garantir à chaque Congolais un accès aux soins de qualité, sans obstacle financier », a-t-il expliqué. Mais comment concrètement les pharmaciens peuvent-ils contribuer à cet objectif ambitieux ?
Le rôle du pharmacien dans le système de santé congolais dépasse largement la simple délivrance de médicaments. Ces professionnels sont en première ligne pour assurer la sécurité du circuit du médicament, depuis son importation jusqu’à sa dispensation au patient. Dans un contexte où les médicaments falsifiés représentent un véritable fléau sanitaire, leur vigilance est plus que jamais nécessaire.
Glory Panzu, président de l’Ordre national des pharmaciens, a insisté sur cet aspect crucial : « Le respect de la déontologie professionnelle est la condition sine qua non pour renforcer la confiance du public dans notre système de santé ». Cette confiance, comment se construit-elle au quotidien ? Par un conseil pharmaceutique de qualité, une information fiable sur les traitements et une surveillance rigoureuse des effets secondaires.
La question de l’accès aux soins par le pharmacien prend une dimension particulière en RDC, où les déserts médicaux affectent de nombreuses régions. Dans certaines zones rurales, le pharmacien représente souvent le premier, voire le seul, recours pour les populations. Son rôle dans le dépistage, l’orientation et le suivi des patients devient alors stratégique.
L’intégration des pharmaciens dans le dispositif de Couverture santé universelle pourrait révolutionner l’accès aux soins. Imaginez : des consultations pharmaceutiques remboursées, des programmes d’éducation thérapeutique reconnus, une participation active à la prévention des maladies. Autant de pistes qui pourraient transformer profondément le paysage sanitaire congolais.
Mais cette transformation nécessite une adaptation du cadre réglementaire et une meilleure reconnaissance des compétences pharmaceutiques. Les participants au congrès travaillent justement sur ces aspects, avec l’ambition de positionner le pharmacien comme un acteur central de la chaîne de soins.
L’assurance maladie obligatoire, pilier de la CSU, représente une opportunité historique pour valoriser le métier de pharmacien. En évitant l’appauvrissement des familles face aux dépenses de santé, ce système pourrait également garantir une rémunération plus stable aux officines, condition essentielle pour améliorer la qualité des services.
Au-delà des aspects techniques, c’est toute une philosophie de soins qui est en jeu. Le pharmacien de demain devra être un éducateur en santé, un conseiller en prévention, un partenaire des médecins et des patients. Sa formation devra évoluer pour intégrer ces nouvelles dimensions, tout en maintenant l’excellence dans la gestion du médicament.
Les recommandations qui sortiront de ce congrès dessineront très probablement les contours de la pharmacie congolaise des prochaines années. Entre modernisation et préservation des valeurs déontologiques, entre innovation et accessibilité, le chemin est étroit mais passionnant.
La réussite de cette transition dépendra de la capacité des pouvoirs publics, des organisations professionnelles et des pharmaciens eux-mêmes à travailler main dans la main. Car au final, l’enjeu dépasse largement la profession : il s’agit de la santé de millions de Congolais et de l’efficacité de notre système de santé tout entier.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
