La mémoire de Mgr Christophe Munzihirwa Mwene Ngabo plane toujours sur la République Démocratique du Congo, vingt-neuf ans après son assassinat. Dimanche 2 novembre, à la paroisse Sacré-Cœur de Kinshasa, une messe commémorative a rassemblé des centaines de fidèles, tous unis par une même exigence : voir enfin reconnu le martyre de cet archevêque qui paya de sa vie son engagement pour la vérité.
« C’est une journée de mémoire où nous devons rappeler à l’opinion nationale et internationale ce grand homme », déclare avec émotion Gilbert Kabanda Kurhenga, ministre honoraire présent à la cérémonie. Dans l’assistance, des visages marqués par le recueillement, mais aussi par une détermination farouche. Car au-delà de l’hommage, cette commémoration porte un message fort : il est temps que justice soit rendue à celui qui fut abattu pour avoir défendu les innocents.
Qui se souvient encore de cette voix qui dérangeait les seigneurs de guerre ? Le 29 octobre 1996, sur la route de Nyawera dans la commune d’Ibanda, Mgr Munzihirwa tombait sous les balles. Mais contrairement à ce qu’on a parfois voulu faire croire, il ne s’agissait pas d’une balle perdue. « Il a été exécuté délibérément », affirme Modeste Mbonigaba, président de la Fraternité Christophe Munzihirwa. Son crime ? Avoir dénoncé le complot international et les violences orchestrées lors de la première guerre de l’Est du Congo.
Comment rester silencieux face à tant d’injustice ? Mgr Munzihirwa, archevêque de Bukavu, s’était dressé contre la désinformation médiatique et l’invasion du pays par des forces étrangères. « Il prêchait la vérité, défendait les innocents et dénonçait les massacres dans les camps de réfugiés », rappelle M. Mbonigaba. Une position courageuse qui lui coûta la vie, mais qui fit de lui un symbole de résistance morale et populaire.
La béatification de Mgr Munzihirwa représenterait bien plus qu’une simple reconnaissance religieuse. Elle consacrerait la mémoire d’un homme qui incarna jusqu’au sacrifice ultime les valeurs de paix, d’amour entre communautés et de résistance patriotique. Docteur Jean-Baptiste Sondji, ancien collègue de l’archevêque, insiste : « C’est vraiment un exemple à suivre. Il faut qu’il soit béatifié, cela va dans l’ordre naturel des choses. »
Le processus de béatification de cet évêque martyr traîne cependant, et l’impatience se fait sentir parmi ses proches et les membres de la Fraternité. Pourtant, son héritage spirituel et civique demeure plus vivant que jamais. Dans un pays encore meurtri par les conflits à l’Est, la figure de Mgr Munzihirwa continue d’inspirer des générations entières de Congolais.
Qu’attendons-nous pour honorer comme il se doit ce martyr de la foi et de la justice ? La question résonne avec une acuité particulière en cette période où la RDC a plus que jamais besoin de modèles d’intégrité et de courage. La béatification de Mgr Christophe Munzihirwa ne serait pas seulement un acte de piété, mais un puissant message d’espoir pour toute une nation.
Alors que la messe était célébrée par l’abbé François d’Assise Basinyize Bizimana, curé de la paroisse Sainte Thérèse de Burhiba à Bukavu, les participants ont redécouvert la profondeur de l’engagement de ce serviteur exceptionnel. Son message de fraternité et de résistance pacifique trouve un écho particulier dans le Congo d’aujourd’hui, toujours en quête de paix et de réconciliation.
« Ceux qui l’ont tué ont créé un héros », conclut Modeste Mbonigaba. Une phrase qui résume à elle seule le paradoxe de ce destin tragique. Vingt-neuf ans après, la voix de Mgr Munzihirwa résonne plus forte que jamais, portée par ceux qui refusent l’oubli et militent pour que son sacrifice soit enfin reconnu à sa juste valeur.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
