Le ventre vide et l’espoir en berne, des milliers de familles errent dans les camps de déplacés de l’Ituri. Comment en est-on arrivé à cette situation où la faim est devenue l’arme de guerre la plus meurtrière dans cette province de l’est de la RDC ?
« Nous avons tout perdu en fuyant les combats. Nos champs, notre bétail, nos maisons. Maintenant, nous dépendons entièrement de l’aide humanitaire pour survivre », témoigne Kahindo, mère de cinq enfants, rencontrée dans le camp de déplacés de Bunia. Son regard perdu raconte à lui seul toute la détresse d’une population prise en étau entre les conflits armés et la faim.
La crise alimentaire dans l’Ituri n’est pas une simple conséquence des conflits, elle en est devenue une composante stratégique. Les groupes armés utilisent délibérément la faim comme arme de guerre, bloquant les routes commerciales, pillant les récoltes et empêchant les paysans d’accéder à leurs champs. Cette insécurité alimentaire en RDC atteint des niveaux alarmants, transformant la province en une véritable poudrière humanitaire.
Les chiffres donnent le vertige : plus de 1,7 million de déplacés dans l’Ituri seule, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies. Parmi eux, des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, des femmes obligées de parcourir des kilomètres pour trouver de l’eau potable, des vieillards abandonnés à leur sort. La crise alimentaire Ituri est-elle en train de devenir le prochain génocide silencieux de la région ?
Sur le terrain, les humanitaires se démènent avec des moyens dérisoires face à l’ampleur de la catastrophe. « Nous faisons face à une tempête parfaite : l’insécurité qui limite nos déplacements, la réduction des financements et une demande d’assistance qui explose », explique un responsable d’ONG sous couvert d’anonymat. L’aide humanitaire RDC arrive au compte-gouttes, quand elle arrive.
Les conflits armés est Congo ont créé une situation paradoxale : dans une région aux terres fertiles capables de nourrir toute la province, les marchés sont vides et les prix s’envolent. Un sac de maïs coûte désormais l’équivalent de trois mois de salaire pour un fonctionnaire. Comment expliquer qu’une terre aussi riche condamne ses enfants à la famine ?
Les déplacés Ituri vivent un calvaire au quotidien. Dans les camps surpeuplés, les distributions alimentaires irrégulières obligent les familles à réduire le nombre de repas. Deux, puis un seul par jour. Parfois moins. Les enfants abandonnent l’école pour chercher de la nourriture, les femmes s’exposent à des risques en parcourant de longues distances pour trouver de quoi subsister.
La réponse internationale tarde à venir, tandis que la situation se dégrade de semaine en semaine. Les appels aux dons restent sans réponse, les promesses d’aide sans suite. Pendant ce temps, dans les villages reculés de Djugu et de Mahagi, des communautés entières survivent avec les feuilles comestibles qu’elles trouvent dans la forêt.
Cette crise alimentaire dépasse le simple cadre humanitaire. Elle questionne la capacité de l’État congolais à protéger ses citoyens, l’efficacité de la communauté internationale à prévenir les catastrophes et la responsabilité des acteurs armés dans l’utilisation de la faim comme méthode de guerre. Jusqu’où faudra-t-il que la situation se détériore pour que la communauté internationale se réveille ?
Alors que le monde a les yeux tournés vers d’autres crises, l’Ituri sombre dans l’oubli et la désolation. Pourtant, les solutions existent : sécurisation des axes routiers, soutien à l’agriculture locale, protection des civils et renforcement des mécanismes d’alerte précoce. Mais sans volonté politique ferme et sans financements adéquats, l’insécurité alimentaire RDC continuera de faire des victimes silencieuses.
La crise que traverse l’Ituri n’est pas une fatalité. Elle est le résultat de choix politiques, de stratégies militaires et d’indifférence internationale. Chaque jour qui passe sans action concrète signifie de nouvelles vies brisées, de nouveaux espoirs anéantis. Le temps presse, et pour des milliers de Congolais dans l’Ituri, il est déjà presque trop tard.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: https://www.wfp.org/stories/hunger-and-malnutrition-soar-eastern-drc-small-steps-deliver-change?utm_source=chatgpt.com
