La convocation urgente lancée par Jacquemain Shabani aux gouverneurs et assemblées provinciales révèle l’ampleur des fractures institutionnelles qui menacent la stabilité du pays. Le Vice-Premier Ministre en charge de l’Intérieur joue-t-il son va-tout en organisant cette rencontre cruciale à Kinshasa les 5 et 6 novembre 2025 ? La formulation même du télégramme officiel, avec son laconisme telegraphique, trahit l’urgence de la situation : « Il y avoir urgence stop sentiments patriotiques fullstop ».
Cette réunion d’échanges, présentée comme un cadre de dialogue, constitue en réalité un aveu implicite de l’échec des mécanismes de régulation des conflits entre exécutifs provinciaux et assemblées législatives locales. Depuis plusieurs mois, plusieurs provinces connaissent des blocages institutionnels paralysants, où gouverneurs et députés provinciaux s’affrontent dans des guerres de pouvoir qui compromettent le fonctionnement même des institutions. La décentralisation, souvent présentée comme une avancée majeure de la gouvernance congolaise, montre ici ses limites face aux ambitions personnelles et aux calculs politiques.
La stratégie de Jacquemain Shabani repose sur une approche centralisatrice : convoquer l’ensemble des acteurs concernés dans la capitale pour une médiation directe sous l’égide du gouvernement central. Cette méthode rappelle les pratiques d’un autre temps, où Kinshasa imposait ses solutions aux problèmes provinciaux. Mais dans le contexte actuel de tensions politiques RDC, cette démarche suffira-t-elle à désamorcer les crises institutionnelles provinces ?
L’analyse des conflits provinciaux révèle des patterns récurrents : des majorités parlementaires locales qui contestent la légitimité des gouverneurs, des exécutifs provinciaux accusés de dérives autoritaires, et des assemblées provinciales instrumentalisées pour régler des comptes politiques. La stabilisation institutions provinciales devient ainsi un enjeu national, tant les dysfonctionnements locaux risquent de contaminer l’ensemble du système politique.
Le timing de cette réunion gouverneurs RDC n’est pas anodin. À quelques mois d’échéances électorales locales dans certaines provinces, le gouvernement central cherche visiblement à reprendre le contrôle d’une situation qui lui échappe. La présence exigée des vice-gouverneurs et membres des bureaux des assemblées provinciales témoigne d’une volonté d’impliquer tous les maillons de la chaine décisionnelle provinciale.
La référence aux « sentiments patriotiques » dans la convocation de Jacquemain Shabani constitue un argument moral destiné à faire pression sur les participants. Mais cet appel à la conscience nationale suffira-t-il face à des enjeux de pouvoir aussi concrets ? L’histoire récente des relations entre Kinshasa et les provinces suggère plutôt la nécessité de solutions structurelles et d’engagements contraignants.
La réussite de cette initiative dépendra de la capacité du gouvernement à imposer son autorité sans heurter les sensibilités locales. Le Vice-Premier Ministre devra naviguer entre fermeté et diplomatie, entre respect de l’autonomie provinciale et nécessité de préserver l’unité nationale. Son leadership est mis à l’épreuve, et l’échec de cette médiation pourrait durablement fragiliser sa position au sein de l’exécutif.
Au-delà de la résolution des crises immédiates, cette réunion devra poser les bases d’un cadre pérenne de prévention et de gestion des conflits institutionnels provinciaux. La question fondamentale reste entière : comment concilier les impératifs de la décentralisation avec la nécessité de maintenir la cohésion nationale ? La réponse apportée par Jacquemain Shabani et les participants déterminera l’avenir des institutions provinciales congolaises pour les années à venir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
