La Chambre haute du Parlement congolais a connu mercredi 29 octobre 2025 une séance plénière particulièrement animée autour du Programme Développement Local des 145 territoires (PDL-145T), ce projet ambitieux du président Félix Tshisekedi destiné à réduire les inégalités territoriales. Sous la présidence de Jean-Michel Sama Lukonde, le Sénat a confronté le ministre d’État Guylain Nyembo aux interrogations légitimes des sénateurs sur l’état d’avancement de ce programme phare.
La sénatrice Isabelle Kabamba, à l’origine de la question orale avec débat, a pointé du doigt le décalage entre les promesses gouvernementales et les réalisations concrètes sur le terrain. Comment expliquer que sur 2100 ouvrages prévus et consolidés au 15 juin 2024, seulement 1011 soient effectivement achevés ? Le ministre du Plan a-t-il sous-estimé les défis logistiques ou surestimé les capacités d’exécution des trois agences impliquées ?
Face aux élus, Guylain Nyembo a présenté un bilan en demi-teinte : 601 écoles primaires sur 1198 initialement prévues, 340 centres de santé et 70 bâtiments administratifs finalisés. Des chiffres qui, s’ils témoignent d’une certaine avancée, révèlent surtout l’ampleur du chemin restant à parcourir. Le ministre a invoqué la « guerre d’agression dans l’Est » depuis 2022 comme principal facteur explicatif des retards. Mais cette justification suffit-elle à absoudre le gouvernement de ses responsabilités dans la mise en œuvre de ce Programme Développement Local crucial ?
La stratégie gouvernementale semble aujourd’hui à la croisée des chemins. Alors que le PDL-145T entre dans sa deuxième phase axée sur la « relance des économies locales et chaînes de valeur agricoles », le Sénat manifeste une vigilance accrue. Vingt-six sénateurs ont successivement pris la parole lors du débat parlementaire, exigeant des éclaircissements sur la gestion des 1,665 milliard de dollars américains alloués à ce programme de développement territorial.
Le sénateur Baby Vangu Ki-Nsongo a particulièrement insisté sur la « double vulnérabilité » du financement. « Compter uniquement sur le financement extérieur rend davantage ce programme vulnérable », a-t-il martelé, appelant à une stratégie d’atténuation des risques. Son analyse rejoint les préoccupations du Centre de recherche en finances publiques et développement local (Crefdl), qui avait déjà alerté en juillet sur des irrégularités dans l’exécution du PDL-145T.
Le ministre Nyembo, ancien directeur de cabinet du chef de l’État, a tenté de rassurer l’assemblée en qualifiant le PDL-145T de « levier essentiel pour transformer durablement nos territoires ». Pourtant, la décision du président Sama Lukonde d’accorder un délai de 48 heures au ministre pour fournir des réponses plus précises témoigne des lacunes persistantes dans la communication gouvernementale.
Cette séance plénière révèle-t-elle les limites d’un modèle de développement trop dépendant des bailleurs internationaux ? La diversification des sources de financement, réclamée avec insistance par le sénateur du Kongo Central, apparaît comme une condition sine qua non pour la pérennité du Programme Développement Local. Le gouvernement saura-t-il tirer les leçons de ces alertes parlementaires alors que s’engage la deuxième phase du PDL-145T ?
La crédibilité du programme de développement des territoires congolais se joue aujourd’hui dans la capacité des autorités à conjuguer transparence et efficacité. Les prochains jours, avec les précisions attendues du ministre Nyembo, permettront de déterminer si le gouvernement maîtrise véritablement les enjeux de ce vaste projet ou s’il navigue à vue dans la mise en œuvre du PDL-145T. L’avenir du développement local en RDC dépendra de la réponse apportée à ces interrogations légitimes du Sénat.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
