« Ils nous écoutent, mais ne nous entendent pas vraiment. » Cette phrase d’une adolescente de 14 ans rencontrée dans les rues de Kinshasa résume le paradoxe congolais en matière de protection de l’enfance. Alors que la RDC dispose d’un cadre législatif avancé, la réalité quotidienne de milliers d’enfants reste marquée par la vulnérabilité et l’exploitation.
L’étude menée par le Bureau international des droits des enfants (IBCR) dans le cadre du projet « Tonga Pona Bolamu ya Mwana » dresse un constat alarmant : entre juin et août 2022, plus de 1 000 acteurs du système de protection ont été interrogés, révélant des dysfonctionnements profonds dans la protection enfant RDC. Comment expliquer qu’un pays doté de lois solides ne parvienne pas à protéger efficacement ses enfants ?
L’échantillon de cette étude sur l’exploitation économique enfants est éloquent : 371 professionnels des secteurs classiques (police, justice, travail social), 366 acteurs des secteurs moins classiques (détention, travail, tourisme) et 292 représentants de la société civile. La méthode d’échantillonnage par quotas a permis d’obtenir une photographie précise du système protection enfant RDC dans trois villes majeures : Kinshasa, Lubumbashi et Matadi.
Mais ce sont surtout les témoignages recueillis auprès de 70 enfants vulnérables, âgés de 12 à 17 ans, qui donnent toute sa force à cette enquête. Parmi eux, 36 filles confrontées à la rue, au décrochage scolaire, à la rupture familiale ou à l’exploitation sexuelle. Leurs voix, longtemps ignorées, mettent en lumière les défis protection enfant Congo.
« Quand je travaillais comme domestique, personne ne m’a jamais demandé mon avis », confie une jeune fille de 16 ans lors des 41 entretiens individuels réalisés. Ces paroles illustrent le fossé entre les textes de loi et leur application sur le terrain. L’étude IBCR enfants révèle en effet que la participation des mineurs reste largement symbolique, leur voix étant rarement prise en compte dans les décisions qui les concernent.
Le système de protection de l’enfant en RDC souffre de multiples carences : absence de cadre légal de formation pour les acteurs, coordination défaillante entre les différents intervenants, manque d’outils harmonisés et insuffisance des moyens humains et matériels, particulièrement au niveau provincial. Ces obstacles entravent considérablement la lutte contre l’exploitation économique enfants.
La ministre du Genre, de la Famille et de l’Enfant, Micheline Ombae Kalama, ne cache pas les défis. « La pauvreté persistante fragilise les familles et augmente les risques d’abandon. Le travail des enfants et l’exploitation domestique, l’instabilité sécuritaire dans certaines provinces continuent à faire des victimes », reconnaît-elle. Pourtant, la ministre affirme la détermination du gouvernement à relever ces défis protection enfant Congo.
Marie-Claude, représentante internationale de l’IBCR, insiste sur l’urgence d’agir : « Au-delà du diagnostic, c’est l’action concertée qui donnera tout son sens à ce processus. Nous devons considérer l’enfant comme l’acteur d’aujourd’hui qui a un rôle dans son propre système de protection. »
Le représentant de l’ambassade du Canada, bailleur de fonds du projet, voit dans cette étude un outil stratégique pour renforcer la gouvernance du secteur. Mais entre les constats et leur traduction concrète, le chemin semble encore long. Comment transformer cette précieuse analyse en actions tangibles pour les enfants congolais ?
La protection enfant RDC se trouve à la croisée des chemins. Les lois existent, les diagnostics sont posés, mais la mise en œuvre effective tarde à venir. Les enfants continuent de payer le prix de cette lenteur, leur avenir hypothéqué par des systèmes qui peinent à passer de la théorie à la pratique. Le temps n’est-il pas venu d’écouter vraiment ces voix enfantines qui réclament protection et considération ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
