L’Assemblée provinciale de la Tshopo a franchi un point de non-retour en prononçant la destitution de Paulin Lendongolia de ses fonctions de gouverneur. Cette décision, prise à l’unanimité des députés provinciaux, marque un tournant décisif dans la gouvernance de cette province stratégique de la République Démocratique du Congo. Mais au-delà de l’acte politique, c’est toute la mécanique institutionnelle qui se trouve mise à l’épreuve.
Dans un communiqué rendu public ce mercredi 29 octobre, l’Assemblée provinciale a formellement interdit à l’ancien gouverneur d’initier toute action au nom de la province. Cette mesure intervient plus de vingt-quatre heures après le vote de la motion de défiance, créant ainsi une situation institutionnelle inédite. Le législateur provincial joue-t-il ici un rôle de gardien des institutions ou ouvre-t-il une période d’instabilité politique ?
Conformément aux dispositions légales, Paulin Lendongolia aurait dû présenter sa démission au Président de la République dès mardi dernier. Son refus de se conformer à cette obligation a contraint l’Assemblée à prendre des mesures conservatoires. Désormais, seul le vice-gouverneur Didier Lomoyo est habilité à engager la province, selon la communication officielle. Cette transition de pouvoir, bien que prévue par la loi, s’effectue dans un climat de tension palpable.
La mission confiée au vice-gouverneur Lomoyo ne sera pas des plus aisées. Chargé d’expédier les affaires courantes de la province en attendant l’organisation de nouvelles élections, il devra naviguer entre les exigences de continuité de l’État et les réalités politiques locales. Son intérim s’annonce comme une période charnière pour l’avenir politique de la Tshopo. Quelle marge de manœuvre aura-t-il réellement dans un contexte aussi polarisé ?
Du côté de l’ancien gouverneur, la stratégie semble se dessiner autour d’un recours juridique. Son conseiller juridique avait d’ailleurs annoncé cette éventualité dès le lundi, jour du vote de la motion. Les partisans de Paulin Lendongolia pointent du doigt plusieurs irrégularités procédurales, notamment l’absence de saisine officielle concernant l’organisation de la plénière ayant conduit à sa destitution. Ces arguments suffiront-ils à infléchir la position des instances judiciaires ?
Le président de l’Assemblée provinciale, Mateus Kanga, reste pour sa part inflexible. Lors d’une déclaration faite après la séance plénière, il a clairement indiqué qu’une éventuelle action en justice ne changerait rien à la « décision souveraine de l’Assemblée ». Cette position tranchée illustre la détermination des députés provinciaux à tourner la page Lendongolia. Mais jusqu’où cette détermination pourra-t-elle résister aux aléas judiciaires ?
Les griefs retenus contre l’ancien gouverneur sont lourds de conséquences : atteinte aux libertés fondamentales, mauvaise gestion, détournement de fonds publics, insécurité persistante et autres fautes graves. L’unanimité du vote témoigne de l’ampleur de la défiance à son égard. Cependant, cette unanimité masque-t-elle des réalités politiques plus complexes ? La destitution du gouverneur Lendongolia ouvre en réalité un nouveau chapitre incertain dans la vie politique de la Tshopo.
La crise politique à Kisangani dépasse le simple cadre d’un changement de leadership provincial. Elle interroge sur la solidité des institutions démocratiques congolaises et leur capacité à gérer pacifiquement les transitions de pouvoir. Le prochain enjeu résidera dans l’organisation des élections du gouverneur et du vice-gouverneur, processus qui s’annonce déjà comme un test décisif pour la stabilité de la région.
Entre la fermeté affichée par l’Assemblée provinciale et la résistance juridique promise par l’ancien gouverneur, la Tshopo se trouve plongée dans une période de transition délicate. La manière dont cette crise institutionnelle sera résolue pourrait bien établir un précédent significatif pour l’ensemble des provinces congolaises. L’équilibre des pouvoirs entre exécutif et législatif provincial s’en trouve reconfiguré, avec des implications qui pourraient dépasser le seul cadre de la Tshopo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
