Dans un contexte de tensions persistantes et de violences récurrentes, la voix du Cardinal Fridolin Ambongo résonne avec une portée qui dépasse les seules sphères ecclésiastiques. Son intervention lors de la rencontre internationale « Oser la paix » à Rome marque un moment stratégique dans le paysage politique congolais, alors que la République démocratique du Congo continue de naviguer dans des eaux troubles.
L’archevêque de Kinshasa a déployé une rhétorique aussi subtile qu’incisive, rappelant que la paix ne saurait être réduite à de simples signatures protocolaires. « Une paix désarmée ne s’impose pas par la force », a-t-il déclaré, citant le Pape Léon XIV avec une pertinence qui ne manquera pas d’interpeller les acteurs politiques congolais. Cette déclaration sonne comme un rappel à l’ordre pour ceux qui privilégient les solutions cosmétiques aux problèmes structurels.
La situation décrite par le Cardinal Ambongo Besungu est pour le moins alarmante : plus de 120 groupes armés actifs dans diverses provinces, des millions de morts accumulés sur trois décennies de conflits, et un « silence coupable d’un monde qui continue à tirer profit du pillage systématique des ressources » du pays. Ces mots, lourds de sens, pointent du doigt l’hypocrisie internationale tout en soulignant l’urgence d’une action concertée.
Mais quelle voie emprunter pour sortir de cette spirale infernale ? Le prélat catholique propose un chemin semé d’embûches mais nécessaire : un dialogue national inclusif rassemblant « toutes les forces vives, y compris celles qui ont pris les armes ». Cette approche, bien que risquée, témoigne d’une compréhension fine des réalités congolaises. Le Pacte social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble de la CENCO-ECC, dont il se fait le porte-voix, pourrait-il constituer la feuille de route tant attendue vers une cohésion nationale durable ?
L’analyse du Cardinal dépasse cependant le cadre strictement national. Sa vision d’une « paix continentale fondée sur la fraternité et la souveraineté partagée » reconnaît explicitement que les conflits congolais puisent leurs racines dans des dynamiques régionales complexes. Ingérences étrangères, avidité pour les ressources, rivalités ethniques et fragilité institutionnelle : le diagnostic est sans appel. La course aux armements, dénoncée avec véhémence, mènerait selon lui « à la ruine du bien commun » – une affirmation qui résonne comme un avertissement dans un contexte de militarisation croissante.
La véritable question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cet appel à la construction d’une paix « dans le silence de la vérité, de l’écoute, du dialogue et de la responsabilité envers les victimes » trouvera un écho favorable auprès des décideurs politiques. Le gouvernement congolais saura-t-il saisir cette opportunité pour engager un processus de dialogue authentique, ou continuera-t-il à privilégier des solutions sécuritaires de court terme ?
L’insistance du Cardinal sur la nécessité de combattre « les causes structurelles de la pauvreté et de la corruption » ajoute une dimension socio-économique cruciale au débat. Une paix durable en République démocratique du Congo ne pourra émerger sans une justice sociale renforcée et une gouvernance assainie. La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises, qui devront démontrer leur capacité à transformer ces paroles en actions concrètes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

