Dans la chaleur humide de Kasongo, au Maniema, une scène inhabituelle se déroule sous le regard bienveillant des autorités locales. Des dizaines de femmes, mains terreuses et visages déterminés, plantent méthodiquement des jeunes pousses de cacao dans leur champ pilote. Cette activité marquait la célébration de la journée internationale de la femme rurale, ce vendredi 24 octobre, transformant un simple geste agricole en un symbole puissant d’émancipation économique.
« Nous sommes dans le développement durable », explique Thérèse Safi Ramazani, présidente du collectif des femmes leaders de Kasongo, la voix chargée d’une conviction qui semble contagieuse. « Le développement durable demande des activités qui vont être pérennisées. Nous avons toujours l’habitude de planter le maïs, les arachides, les haricots, mais quand nous faisons la vente de tout ça, ça ne nous amène rien. »
Ce constat amer résume le dilemme de milliers de femmes agricultrices RDC, coincées dans des cultures de subsistance qui ne leur permettent pas de sortir de la précarité. La culture du cacao à Kasongo représente-t-elle donc cette porte de sortie tant attendue ? Pour ces femmes, la réponse semble évidente alors qu’elles observent leurs consœurs des provinces voisins du Nord et Sud-Kivu qui ont déjà fait de cette culture un levier d’autonomisation économique.
« La culture que nous entamons aujourd’hui, avec l’aide du Seigneur ça va aussi nous faire progresser », insiste Thérèse Safi, l’espoir illuminant son visage. « Ça va nous faire émerger aussi dans le monde économique. » Cette quête d’une « économie consistante », comme elle la nomme, dépasse la simple survie quotidienne. Elle incarne l’aspiration profonde de ces femmes à prendre leur place dans le circuit économique formel, à transformer leur labeur en véritable source de prospérité.
L’administrateur du territoire de Kasongo, présent lors de cette cérémonie symbolique, n’a pas caché son admiration pour cette initiative porteuse de développement rural au Maniema. Son encouragement à l’ensemble de la population locale à emboîter le pas à ces pionnières souligne l’importance stratégique que revêt cette culture pour l’avenir économique de toute la région.
Mais derrière cet enthousiasme palpable se cachent des défis immenses. Comment assurer la pérennité de cette culture de cacao Kasongo sans un accompagnement technique adapté ? Les femmes agricultrices RDC disposent-elles des ressources nécessaires pour transformer cet essai en réussite durable ? La question des routes de desserte agricole, cruciale pour l’évacuation des productions, reste une épine dans le pied du développement rural dans cette partie de la République Démocratique du Congo.
Le collectif des femmes leaders de Kasongo lance ainsi un plaidoyer lucide : elles réclament l’accompagnement de tous, particulièrement des autorités, pour que cette initiative ne reste pas un simple coup d’épée dans l’eau. Leur demande est claire – il faut créer les conditions permettant à cette culture de s’enraciner durablement dans le territoire de Kasongo et de s’étendre à toute la province du Maniema.
Cette démarche s’inscrit dans une vision plus large d’autonomisation des femmes congolaises qui passera nécessairement par leur émancipation économique. En diversifiant leurs sources de revenus grâce à des cultures à plus haute valeur ajoutée comme le cacao, ces femmes ne transforment pas seulement leurs champs – elles réécrivent leur place dans la société et redéfinissent les contours du développement rural en RDC.
Alors que le soleil se couche sur Kasongo, les jeunes plants de cacao semblent déjà porter les espoirs de toute une communauté. Dans quelques années, ces arbrisseaux donneront-ils naissance à une véritable révolution économique portée par les femmes ? La réponse se niche peut-être dans cette terre fertile du Maniema, entre les mains expertes de ces agricultrices qui ont décidé de prendre leur destin en main.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
