Cette semaine, sur fond d’optimisme affiché dans les annonces officielles – baisse des prix des transports, nouveaux projets miniers, inclusion financière – la vie quotidienne de millions de Congolais, surtout à l’Est, reste cruellement marquée par la flambée persistante des prix, l’insécurité, la faim et les attentes déçues. Le fossé entre discours gouvernemental et réalité vécue n’a sans doute jamais paru aussi flagrant.
L’impressionnante batterie de mesures économiques n’a pas suffi, ces sept derniers jours, à rassurer une population meurtrie par des années de crises. Certes, le gouvernement a communiqué sur la baisse du coût des taxis à Matadi, la stabilisation du franc congolais, le lancement du compte Libanga ou l’annonce de chantiers ferroviaires. Mais simultanément, dans nombre de villes et villages, les prix du carburant, des denrées, des matériaux de première nécessité restent hors de portée pour la majorité. À Mwenga et Kamituga, la farine de maïs double. À Kibua, dans le Nord-Kivu, c’est la catastrophe humanitaire totale : des familles sont sans assistance, l’hôpital est pillé, la population affamée – un fait relayé en filigrane toute la semaine par la société civile et les acteurs humanitaires.
Cette décorrélation entre l’optimisme des indicateurs officiels, célébrés par les autorités, et la réalité des marchés se confirme sur tous les plans. Les pouvoirs publics vantent l’appréciation du franc congolais ; pourtant, les ménages de Beni, Bukavu, Matadi ou Kinshasa le disent : leur pouvoir d’achat ne s’améliore pas, et lorsqu’une baisse apparaît, elle reste insensible tant l’ascenseur des prix s’est emballé. Les initiatives d’inclusion bancaire toucheront-elles réellement les 30 millions de Congolais visés lorsque l’essentiel des transactions reste informel et que la méfiance domine?
À l’Est, la crise s’aggrave en silence. La succession des frappes, attaques, fermetures d’écoles, exactions et déplacements massifs annihile toute velléité « d’accalmie ». Le Nord-Kivu, le Tanganyika, l’Ituri se vident de leurs familles. Les enfants sont privés d’éducation, les hôpitaux ferment ou n’ont plus de médicaments, tandis que l’aide humanitaire se raréfie faute de financements. Les témoignages de terrain, que relaie CongoQuotidien, révèlent une société au bord de la rupture — mais pas au cœur des discours officiels.
Politiquement, la cacophonie et le blocage guettent. Si le président annonce la création de task-forces et de nouvelles réformes, le besoin de dialogue inclusif, dans une société fracturée politiquement, ne cesse d’émerger. L’opposition, instruite par Joseph Kabila ou par la société civile, ne cesse de réclamer plus de concertation : l’épisode des motions de défiance, des blocages à l’Assemblée nationale, la grogne des fonctionnaires, la multiplication des crises locales, montrent que la colère gronde y compris dans les institutions.
Le sentiment d’abandon, d’injustice et d’impuissance s’étend. L’affaire Kibua n’est pas isolée : à Kalungu, à Kindu, à Goma, des milliers de déplacés survivent, oubliés des radars officiels. Dans le même temps, c’est une société civile debout qui, du Kwilu au Kasaï, mobilise, interpelle, dénonce, organisant solidarité, campagnes de dépistage ou plaidoyers pour l’inclusion et la justice. Mais pour combien de temps encore si l’écart entre les deux Congos – celui des annonces et celui des rues – continue de se creuser?
Il est urgent d’en finir avec le double discours, de reconnecter la gouvernance à la réalité du terrain. Les succès diplomatiques ou économiques n’ont de sens que s’ils se traduisent en mieux-vivre pour tous. Face à la crise humanitaire et aux attentes sociales, il faut des mécanismes de régulation efficaces, une vraie écoute des citoyens, une volonté ferme de lutter contre l’insécurité, la faim et la précarité. Ce défi n’est pas seulement économique ou sécuritaire : il engage la cohésion même de la nation congolaise. Il appartient à chacun – leaders politiques, fonctionnaires, société civile, citoyens – d’exiger que le pays sorte enfin du cycle infernal des promesses sans lendemain. Seule une action collective, sincère et urgente, évitera que le gouffre qui sépare les discours officiels des réalités du peuple ne devienne infranchissable.
— La Rédaction de CongoQuotidien
