Dans un contexte marqué par la persistance des défis sécuritaires à l’Est de la République Démocratique du Congo, particulièrement face à l’offensive de la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda, la jeunesse congolaise affirme sa détermination à prendre une part active dans la résolution des enjeux nationaux. La création du Front Patriotique « Pona Mboka » constitue une réponse structurée à cette volonté d’engagement citoyen, cristallisant les aspirations d’une génération déterminée à ne plus rester en marge des décisions cruciales pour l’avenir du pays.
Lors d’une cérémonie solennelle tenue ce vendredi 24 octobre 2025 à Kinshasa, plusieurs organisations de jeunesse ont procédé à la signature de la charte d’adhésion à cette nouvelle plateforme. Le mouvement citoyen « Pona Mboka », à l’initiative de cette démarche, a su fédérer des entités aussi diverses que le Réseau des Femmes Leaders, Tous pour le Changement, Nouvelle Vision pour le Changement, l’Association des Jeunes Modernes du Congo, l’Association des Jeunes Entrepreneurs du Congo et les Sentinelles des Valeurs. Cette convergence d’énergies juvéniles traduit-elle une prise de conscience collective face aux menaces qui pèsent sur la nation ?
« Nous sommes menacés de partout, il y a des complots intelligemment établis. Et nous, n’avons-nous rien à proposer ? » s’interroge Grâce Ebuwe Muntu, coordonnateur du mouvement citoyen « Pona Mboka » et initiateur du Front Patriotique. Cette question rhétorique résume l’état d’esprit qui anime les fondateurs de cette structure. Le coordonnateur insiste sur la nécessité d’une jeunesse unie : « Quand le peuple parle d’une seule voix, on ne peut pas le détruire ; quand la jeunesse est unie, on ne peut ni l’utiliser, ni la mépriser, ni l’intimider. »
Le Front Patriotique Pona Mboka déploie sa stratégie selon trois axes fondamentaux. Le premier concerne l’accompagnement des structures membres, avec pour objectif affiché de renforcer leur efficacité opérationnelle. « Nous ne sommes pas une association parmi tant d’autres, mais un réseau efficace », martèle Grâce Ebuwe Muntu, suggérant ainsi une certaine critique implicite de la fragmentation habituelle des mouvements citoyens.
Le deuxième axe positionne le Front comme porte-voix de la jeunesse congolaise à l’échelle nationale. La volonté affirmée de dépasser le cadre kinsois pour s’implanter dans toutes les provinces répond à un enjeu crucial d’inclusion territoriale. Cette approche vise-t-elle à contrer les dynamiques centrifuges qui menacent l’unité nationale ? Le leadership du mouvement semble conscient des défis, promettant de « donner aux jeunes de toutes les provinces la possibilité de s’épanouir sans forcément envier Kinshasa ».
Le troisième objectif, probablement le plus symbolique dans le contexte actuel, concerne la défense de l’intégrité territoriale de la RDC. Face à l’avancée de la rébellion du M23 dans l’Est du pays, le Front se présente comme une sentinelle vigilante. « La jeunesse congolaise, à travers nos structures, ne doit pas rester passive face aux enjeux nationaux. Nous refusons d’être des témoins silencieux », affirme le coordonnateur, dans une déclaration qui résonne comme un rappel à l’ordre des institutions étatiques.
Le soutien institutionnel apporté par l’Église de Réveil du Congo (ERC), dirigée par l’Archevêque Évariste Ejiba Yamapia, confère une légitimité supplémentaire à cette initiative. Le Révérend Emmanuel Kazadi, représentant de l’Archevêque, a salué « un engagement citoyen et une participation active sans lesquels il est impossible d’aborder les questions d’intérêt national ». Son exhortation à « travailler dans la durée » et à « pérenniser les actions » traduit une certaine prudence face aux initiatives éphémères qui ponctuent habituellement le paysage associatif congolais.
Cette mobilisation de la jeunesse congolaise s’inscrit dans un contexte politique particulier, où le Président Félix Tshisekedi multiplie les appels à l’implication des jeunes dans la gestion des affaires publiques. Le Front Patriotique Pona Mboka représente-t-il une réponse concrète à ces sollicitations présidentielles ? Ou constitue-t-il au contraire une forme de contre-pouvoir juvénile face aux insuffisances perçues de l’action gouvernementale ?
La question de l’efficacité réelle de ce type de structure se pose avec acuité. Le mouvement parviendra-t-il à transcender les clivages habituels et à maintenir sa cohésion interne face aux multiples sollicitations et pressions externes ? Son ambition affichée de « fédérer une large part des jeunes » pourra-t-elle résister à la tentation de l’instrumentalisation politique, écueil récurrent des mouvements citoyens en RDC ?
Alors que des initiatives diplomatiques se poursuivent pour le rétablissement de la paix dans l’Est de la RDC, et que les appels au dialogue national se multiplient, l’émergence du Front Patriotique Pona Mboka intervient à un moment crucial. Cette jeunesse congolaise engagée, forte de son potentiel démographique, entend bien peser dans les débats qui façonneront l’avenir du pays. Reste à savoir si les institutions établies sauront écouter cette voix nouvelle, ou si elles préféreront cantonner cette énergie juvénile à un rôle de figuration dans le théâtre politique congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
