Alors que l’Est de la République Démocratique du Congo continue de subir les affres de l’insécurité, une initiative parlementaire vient secouer le débat sur la réforme des Forces Armées. Le député Théo Ngwabidje Kasi, ancien gouverneur du Sud-Kivu, a déposé un texte législatif ambitieux qui pourrait redéfinir l’architecture sécuritaire du pays. Cette proposition de loi modifiant la loi organique sur l’organisation des FARDC intervient dans un contexte sécuritaire particulièrement volatile.
La réforme FARDC proposée par l’élu du Sud-Kivu s’articule autour de cinq piliers fondamentaux : une nouvelle doctrine militaire, un commandement unifié en situation de guerre, le renforcement des capacités technologiques, une discipline budgétaire rigoureuse et une redevabilité institutionnelle annuelle devant le Parlement. Cette approche globale témoigne d’une volonté de rompre avec les pratiques passées qui ont souvent miné l’efficacité de l’armée congolaise.
Dans l’immédiateté de la menace M23, cette initiative législative prend une dimension stratégique cruciale. Le groupe armé, soutenu selon plusieurs rapports internationaux par les forces rwandaises, a considérablement étendu son emprise territoriale au Nord et Sud-Kivu. Les récentes avancées dans les territoires de Lubero, Masisi et Walikale au Nord-Kivu, ainsi que dans plusieurs territoires du Sud-Kivu, soulignent l’urgence d’une réponse militaire restructurée.
La sécurité RDC est-elle condamnée à perpétuellement réagir aux crises plutôt que de les anticiper ? La proposition de loi Kasi semble vouloir inverser cette tendance en dotant le pays d’une armée « réformée, forte et résolument dissuasive ». L’objectif affiché est clair : permettre à la RDC de se défendre contre toute menace existentielle, particulièrement dans un contexte régional marqué par des tensions persistantes.
L’architecture proposée pour la nouvelle armée congolaise maintient la structure actuelle en force terrestre, aérienne, navale, services spécialisés, base logistique et justice militaire, mais en y injectant une dose significative de modernisation et de professionnalisation. Le député Kasi insiste particulièrement sur la nécessité d’un « commandement unifié et optimal en situation de guerre », un élément crucial alors que la coordination entre différentes unités des FARDC a souvent été pointée du doigt dans les combats contre le M23.
La dimension budgétaire de cette réforme ne doit pas être sous-estimée. Le principe de « discipline budgétaire rigoureuse » et de « tolérance zéro » vise explicitement à combattre les détournements qui ont longtemps entaché la gestion des ressources allouées à la défense. Dans un pays où la transparence dans l’utilisation des fonds publics reste un défi permanent, cet aspect de la loi Kasi pourrait rencontrer autant de soutien que de résistances.
Le timing de cette proposition législative interpelle. Alors que la communauté internationale multiplie les alertes sur les risques de balkanisation de l’Est congolais, et que l’ONU documente la consolidation militaire du M23, le législateur congolais est-il en train de prendre la mesure des défis sécuritaires ? La réponse apportée par la loi Kasi suggère une prise de conscience des limites du modèle actuel de défense.
La réforme des FARDC proposée s’inscrit dans une vision à long terme de la sécurité nationale. En prévoyant une « redevabilité institutionnelle annuelle devant la représentation nationale », elle introduit un mécanisme de contrôle parlementaire qui pourrait renforcer la gouvernance sécuritaire. Cependant, la mise en œuvre effective de ces dispositions dépendra largement de la volonté politique et des ressources disponibles.
Face à l’agression rwandaise dénoncée par les autorités congolaises, et devant la progression tangible de la menace M23, la RDC peut-elle se permettre de retarder cette réforme structurelle de son armée ? La proposition de loi Kasi ouvre un débat essentiel sur la capacité du pays à assurer sa souveraineté et la protection de ses populations. Les prochaines semaines au Parlement révèleront si la classe politique congolaise partage cette urgence stratégique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
