La tension monte d’un cran au sein des Lignes Maritimes du Congo. Un préavis de grève sèche a été officiellement déposé par l’intersyndicale, marquant une escalade significative dans le conflit opposant la direction et les employés au gouvernement congolais. La décision ministérielle de confier la digitalisation de la collecte des droits de trafic maritime à une société privée fait office de détonateur dans une entreprise publique pourtant performante.
Quel avenir pour l’armement national si des décisions administratives viennent compromettre sa viabilité économique ? Cette question cruciale plane sur les LMC, dont le chiffre d’affaires avoisinait les 32,5 millions de dollars fin 2023. Le leader syndical Jacques Madinunga ne mâche pas ses mots : « LMC n’est pas contre les arrêtés ministériels, mais nous refusons tout système qui hypothèque l’avenir de notre armement national ! »
La digitalisation des droits de trafic maritime, perçue comme une mesure nécessaire de modernisation, cacherait-elle en réalité une tentative de démantèlement progressif de la compagnie publique ? Les syndicats redoutent que l’imposition d’un prestataire externe ne représente le premier pas vers une privatisation déguisée. Franklin Mulunda, directeur des ressources humaines intérimaire, anticipe une perte sèche de 30% des droits de trafic, ce qui entraînerait inévitablement des suppressions massives d’emplois.
Le contexte économique des LMC contraste singulièrement avec cette menace. La société affiche une santé financière robuste, avec un tonnage traité approchant les 18 millions de tonnes et une politique salariale régulière, incluant des primes constamment révisées à la hausse. Cette performance explique-t-elle les convoitises extérieures ? La question mérite d’être posée, d’autant que les LMC bénéficient d’un monopole stratégique sur le transport maritime des exportations minières.
Les shipping royalties, autre nom des droits de trafic maritime, constituent le fonds de commerce essentiel des Lignes Maritimes Congolaises. Leur perception assure à l’État congolais une autonomie dans le transport de ses importations et exportations. Le système tarifaire actuel, variant de 20 dollars pour une voiture à 80 dollars pour un conteneur de 40 pieds, génère des revenus substantiels. Pourtant, l’assignation budgétaire des LMC pour 2025 ne s’élève qu’à 100 000 dollars, une dissonance qui interroge.
La conflictualité syndicale LMC révèle des enjeux bien plus larges que la simple digitalisation. Elle touche au cœur de la souveraineté économique nationale et à la préservation d’un outil maritime stratégique. Le plan triennal en cours jusqu’en 2028, incluant des projets d’acquisition de navires, pourrait être compromis par cette décision gouvernementale. Les employés, soutenus implicitement par la direction, semblent déterminés à défendre ce qu’ils considèrent comme le patrimoine maritime national.
La situation actuelle illustre parfaitement les tensions entre modernisation administrative et préservation des acquis stratégiques. Le conflit syndical LMC dépasse le simple cadre corporatiste pour poser une question fondamentale : la République démocratique du Congo peut-elle se permettre de fragiliser un de ses fleurons maritimes dans un contexte économique mondialisé ? La réponse à cette interrogation déterminera l’avenir du transport maritime congolais et, par extension, une part significative de l’économie nationale.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net
