La réintégration d’Aimé Boji Sangara au sein de l’Assemblée nationale congolaise s’apparente à un coup de théâtre institutionnel qui ébranle les fondements de la majorité parlementaire. Cette manœuvre politique, orchestrée en vue de permettre à l’ancien ministre d’État de briguer la présidence de la chambre basse, soulève des interrogations fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs et le respect des procédures démocratiques.
Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale devient soudainement l’enjeu d’une bataille politique dont l’issue pourrait redéfinir les rapports de force au sein de l’institution. La suspension du processus de destitution du précédent président du bureau pour attendre la démission gouvernementale de Boji Sangara constitue-t-elle une entorse aux principes démocratiques ou une nécessaire adaptation aux réalités politiques ? La question mérite d’être posée, tant les implications institutionnelles semblent profondes.
Willy Mishiki Buhini, député national de Walikale, incarne cette fronde parlementaire qui refuse de voir la chambre basse devenir le prolongement de l’exécutif. Son analyse acerbe dénonce une « humiliation » pour l’institution parlementaire, rappelant avec force que « le mandat du député national est non impératif ». Cette position soulève un paradoxe troublant : comment l’union sacrée prônée par le président Tshisekedi peut-elle coexister avec des pratiques perçues comme attentatoires à l’indépendance du législatif ?
La stratégie de réintégration d’Aimé Boji Sangara à l’Assemblée nationale interroge sur la conception même de la séparation des pouvoirs. L’éventualité de voir un ancien ministre prendre les rênes de l’institution chargée de contrôler le gouvernement ne risque-t-elle pas de créer un conflit d’intérêts structurel ? Les craintes exprimées par l’opposition parlementaire semblent reposer sur une logique institutionnelle solide : un président de l’Assemblissue nationale issu du gouvernement pourrait-il exercer un contrôle parlementaire impartial ?
Le timing de cette opération politique ajoute une dimension critique à l’affaire. Alors que la session budgétaire de septembre tourne au ralenti, les énergies parlementaires se concentrent sur une batille d’influence au détriment des dossiers essentiels pour la nation. Cette situation illustre le dilemme constant entre logique politicienne et impératifs de gouvernance. La lenteur des travaux parlementaires, combinée à cette crise institutionnelle, pourrait-elle affecter la capacité de l’État à répondre aux défis sécuritaires et économiques ?
L’analyse de Willy Mishiki Buhini va plus loin encore, établissant un lien troublant entre cette crise parlementaire et le contexte sécuritaire national. Son interrogation sur un éventuel « jeu de l’agresseur » qui chercherait à fragiliser l’union nationale mérite réflexion. Dans un pays confronté à des défis sécuritaires majeurs, la cohésion des institutions représente un enjeu stratégique. La dislocation de l’union sacrée, conséquence possible de cette élection controversée, pourrait-elle affaiblir la position congolaise face aux menaces extérieures ?
La revendication d’un vote libre et transparent pour l’élection du président de l’Assemblée nationale dépasse le simple cadre procédural. Elle touche à l’essence même de la démocratie représentative. L’insistance des députés contestataires sur le respect strict du règlement intérieur traduit une défense acharnée de l’autonomie du législatif face à l’exécutif. Cette bataille pour l’âme de l’Assemblée nationale déterminera-t-elle l’équilibre des pouvoirs pour les années à venir ?
Alors que l’opposition parlementaire se voit attribuer le poste de rapporteur adjoint, reste à savoir si cette concession suffira à apaiser les tensions. La capacité de la majorité à surmonter cette crise testera la solidité de l’édifice institutionnel congolais. L’élection prochaine du président de l’Assemblée nationale constituera un moment de vérité pour la démocratie congolaise, révélateur des rapports de force réels au sein de la classe politique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd