Le cri de détresse de Furah Kibonge résonne dans les ruelles poussiéreuses de Kindu. « Nous avons acheté ces terrains en toute légalité, nous avons construit nos vies ici, et aujourd’hui on nous jette à la rue comme des criminels », témoigne cette mère de famille, la voix tremblante d’indignation. Comme une cinquantaine d’autres ménages, elle se retrouve sans abri après l’expulsion brutale ordonnée par le ministre de la Défense Guy Kabombo Muadiamvita au sein du camp militaire Makuta.
Comment ces familles ont-elles pu se retrouver dans une telle situation ? La réponse se trouve dans un imbroglio foncier qui oppose l’armée à des civils détenteurs de titres de propriété émis par la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC). Les expulsés affirment avoir acquis leurs parcelles conformément à la loi, présentant des documents officiels qui, selon eux, légitiment leurs occupations. Pourtant, les militaires les accusent d’avoir spolié le domaine militaire.
« À notre grande surprise, le ministre de la Défense par un message oral donne l’ordre aux militaires d’occuper illégalement nos maisons », déplore Furah Kibonge, porte-parole des familles affectées. L’absence de notification écrite et la nature soudaine de cette décision soulèvent des questions fondamentales sur le respect des procédures légales. Comment un simple message oral peut-il justifier le déplacement forcé de dizaines de familles ?
La situation sur le terrain est alarmante. Des enfants dorment à la belle étoile, exposés aux intempéries et aux risques sanitaires. Des personnes âgées errent entre les maisons qu’elles ont construites de leurs mains et qui leur sont désormais interdites. Le contraste est frappant entre la précarité actuelle de ces familles et la sécurité qu’elles pensaient avoir trouvée dans leurs habitations.
Face à cette crise, l’autorité provinciale tente d’apaiser les tensions. Mussa Kabwankubi appelle au calme et promet des solutions durables. Mais les familles expulsées restent sceptiques. Leurs multiples démarches auprès des instances provinciales sont restées sans réponse concrète, alimentant un sentiment d’abandon et d’injustice.
Ce conflit foncier à Kindu dépasse la simple question de propriété terrienne. Il interroge la cohérence des politiques publiques en matière d’urbanisme et de gestion du domaine de l’État. Comment la SNCC a-t-elle pu vendre des terrains appartenant au domaine militaire ? Existe-t-il un cadastre fiable permettant d’éviter ce type de conflits ?
Les familles expulsées du camp Makuta lancent un appel pathétique au chef de l’État, rappelant son engagement pour l’état de droit. Leur sort dépendra de la capacité des autorités à trouver un équilibre entre les impératifs de sécurité nationale et le respect des droits des citoyens. En attendant, la colère gronde dans les rues de Kindu, où des dizaines de familles se demandent si la justice finira par triompher.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net