La région du Nord-Kivu, traditionnellement considérée comme le grenier agricole de l’Est congolais, traverse une crise économique sans précédent qui frappe de plein fouet les producteurs de haricots. Dans le territoire de Masisi, précisément à Rugogwe, les agriculteurs assistent, impuissants, à l’effondrement vertigineux des prix de leur production principale. Une mesure de cuvette, qui valait encore 2 500 francs congolais il y a quelques mois, ne rapporte plus que 1 500 FC, tandis que le sac complet a chuté de 300 000 à 170 000 FC. Cette dégringolade des cours, survenue en pleine période de récolte, représente un véritable séisme pour l’économie rurale locale.
Comment expliquer cette baisse spectaculaire qui menace la survie des familles paysannes ? L’analyse économique pointe directement vers la détérioration sécuritaire dans la chefferie de Bashali. Les routes commerciales, véritables artères vitales pour l’écoulement des productions agricoles, sont aujourd’hui paralysées par la présence simultanée des rebelles de l’AFC/M23 et de milices locales. Cette situation crée un goulot d’étranglement commercial qui déséquilibre totalement la loi de l’offre et de la demande. Les agriculteurs, prisonniers de leur propre territoire, voient leurs récoltes s’accumuler sans pouvoir les évacuer vers les centres de consommation habituels.
Les conséquences de cette crise agricole à Masisi se mesurent en termes concrets : effondrement du pouvoir d’achat, augmentation de la précarité alimentaire, et risque de découragement des producteurs. Le haricot, culture de rente par excellence dans cette région, représente souvent l’unique source de revenus monétaires pour les ménages ruraux. La chute des prix des haricots au Nord-Kivu crée donc un effet domino sur l’ensemble de l’économie locale, réduisant la capacité des familles à accéder aux soins de santé, à l’éducation, et aux autres biens essentiels.
Face à cette situation, les agriculteurs lancent un appel pressant aux autorités locales pour une régulation des marchés et l’ouverture de nouveaux débouchés commerciaux. La recherche de circuits alternatifs d’évacuation devient une question de survie économique. Certains producteurs envisagent-ils d’abandonner cette culture ? La question mérite d’être posée, car la persistance de cette crise pourrait conduire à une reconversion forcée des activités agricoles, avec des conséquences à long terme sur la sécurité alimentaire régionale.
L’instabilité sécuritaire, véritable épée de Damoclès au-dessus des revenus des haricots en RDC, continue de peser lourdement sur les perspectives économiques. Les agriculteurs, réalistes, ne s’attendent pas à une résolution rapide du conflit, mais réclament des mesures d’urgence pour sauver leur production. La création de corridors humanitaires sécurisés, l’organisation de marchés locaux protégés, ou la mise en place de systèmes de stockage adaptés pourraient constituer des solutions temporaires en attendant une pacification durable de la région.
Cette crise des prix des haricots dans le Nord-Kivu illustre parfaitement le lien inextricable entre sécurité et développement économique. Elle démontre comment l’insécurité sur les routes des agriculteurs peut anéantir des mois de travail et compromettre la stabilité économique d’une entire région. La résolution de ce problème dépasse largement le cadre purement agricole et appelle une réponse globale intégrant dimensions sécuritaire, économique et sociale.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
