La rentrée judiciaire 2025-2026 de la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo s’est déroulée ce samedi 18 octobre dans l’enceinte du Palais du peuple à Kinshasa, lors d’une audience solennelle publique qui a réuni l’ensemble des hautes autorités de l’État, dont le Président de la République. Cette cérémonie traditionnelle, destinée à marquer le début de l’année judiciaire, s’est transformée en une profonde réflexion sur le rôle et les limites du juge constitutionnel dans l’architecture institutionnelle congolaise.
Au cœur des débats constitutionnels qui ont animé cette journée historique : l’extension des compétences de la Cour constitutionnelle et l’impérieuse nécessité d’une réforme législative pour combler les vides juridiques persistants. Comment la plus haute juridiction de l’État peut-elle exercer pleinement son rôle de régulateur des institutions sans empiéter sur les prérogatives des autres pouvoirs ? Cette question fondamentale a traversé l’ensemble des interventions des différentes personnalités présentes.
Le bâtonnier national Michel Shebele a ouvert le bal des propositions en plaidant avec force pour l’organisation d’une rentrée judiciaire unique, mettant ainsi fin au système actuel qui prévoit trois cérémonies distinctes. Dans un argumentaire percutant, l’avocat général a jugé excessif le déplacement systématique du chef de l’État pour des événements similaires, proposant plutôt une fusion des discours des juridictions supérieures sous l’égide exclusive de la Cour constitutionnelle. Selon sa vision, cette dernière agit déjà comme une véritable Cour suprême, notamment à travers son pouvoir d’annulation des arrêts du Conseil d’État, et son président, qui dirige également le Conseil supérieur de la magistrature, devrait naturellement centraliser ces interventions solennelles.
Dans la continuité de ces réflexions, le procureur général près la Cour constitutionnelle, John Prosper Moke, est intervenu pour défendre la jurisprudence récente qui témoigne d’une tendance marquée à l’élargissement du champ d’action de l’institution. Le magistrat a souligné avec conviction que cette évolution jurisprudentielle s’inscrit parfaitement dans la mission fondamentale de la Cour en tant que régulateur du fonctionnement des institutions publiques. Cette extension des compétences judiciaires, a-t-il argumenté, permet de garantir efficacement la continuité de l’État, y compris par le biais du contrôle de constitutionnalité des décisions juridictionnelles rendues par les autres cours et tribunaux de la République.
En clôture de cette cérémonie riche en enseignements, le président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta, a apporté sa pierre à l’édifice en reconnaissant avec franchise les limites intrinsèques du texte constitutionnel actuel. Le magistrat a affirmé sans ambages que la Constitution ne peut répondre à toutes les questions de droit qui se posent dans la pratique institutionnelle quotidienne. Son appel aux législateurs pour combler les carences législatives a résonné comme une nécessité impérieuse, tout en justifiant le rôle prééminent de la Cour comme arbitre institutionnel capable de prévenir le chaos politique et juridique.
Le président Kamuleta a illustré son propos par l’exemple marquant de l’intervention décisive de la Cour en 2016, à la fin du mandat du président Joseph Kabila, alors que la Commission Électorale Nationale Indépendante n’avait pas encore organisé l’élection présidentielle. Cette décision historique, selon son analyse, a permis d’éviter une paralysie institutionnelle aux conséquences potentiellement désastreuses pour la stabilité du pays. Cette référence à un précédent concret a donné toute sa substance aux débats constitutionnels sur l’étendue réelle des compétences judiciaires de la Cour.
À travers ces échanges nourris, c’est toute la question de l’équilibre des pouvoirs qui se trouve posée avec acuité. Jusqu’où la Cour constitutionnelle peut-elle étendre son contrôle sans risquer de bouleverser l’architecture institutionnelle soigneusement établie par la Constitution ? Les propositions avancées lors de cette rentrée judiciaire dessinent les contours d’une réforme législative ambitieuse qui pourrait profondément modifier le paysage juridictionnel congolais dans les mois à venir.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net