Dans un mouvement institutionnel aussi prévisible que controversé, le Sénat congolais a opéré jeudi 16 octobre 2025 une double validation qui en dit long sur les équilibres politiques du moment. Sous la houlette de Jean-Michel Sama Lukonde, la chambre haute a simultanément entériné le remplacement de quatre sénateurs et reconduit le régime exceptionnel de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Une séance plénière qui soulève des interrogations fondamentales sur la trajectoire démocratique du pays.
La validation des suppléants sénatoriaux intervient dans un contexte particulier : trois des postes concernés étaient vacants suite à l’entrée de leurs titulaires au gouvernement Suminwa, tandis que le quatrième résultait du décès du sénateur Ngambani Ngovoli Adonis. La commission PAJ-DH, après s’être vu accorder un délai de 72 heures lors de la plénière du 2 octobre, a présenté son rapport dans les temps impartis, permettant l’adoption sans encombre apparent des nouveaux mandats. Mais derrière cette apparente routine parlementaire, quelles réalités politiques se dissimulent ?
Les noms des suppléants validés – Bahati Tito Arlette, Mpanda Kabangu José, Kalumba Mwana Ngongo Justin et le remplaçant de Ngambani Ngovoli Adonis – trahissent-ils une stratégie de consolidation des majorités présidentielles ? L’absence de débat notable autour de ces validations interroge sur la vitalité du contrôle parlementaire dans l’actuelle configuration institutionnelle. Le gouvernement Suminwa parvient-il ainsi à verrouiller ses soutiens au Sénat tout en maintenant une apparence de normalité procédurale ?
Plus préoccupant encore, la prorogation de l’état de siège dans les provinces orientales du pays. Le plaidoyer gouvernemental, porté par le Ministre d’État de la Justice Guillaume Ngefa, s’est appuyé sur l’ordonnance-loi approuvée en Conseil des ministres le 10 octobre. Le vote final – 70 voix pour, aucune contre et 3 abstentions sur 73 sénateurs présents – démontre une adhésion large mais non unanime à cette mesure d’exception. Cette quasi-unanimité masque-t-elle des réserves plus profondes au sein de l’institution sénatoriale ?
La persistance de l’état de siège, présenté comme temporaire mais régulièrement reconduit, ne risque-t-elle pas de s’institutionnaliser au détriment des libertés fondamentales ? Le gouvernement justifie cette prorogation par l’impératif sécuritaire, mais jusqu’à quand la raison d’État primerat-elle sur le retour à la normale constitutionnelle ? Les sénateurs, par leur vote, endossent une lourde responsabilité historique face à des populations qui aspirent à la fois à la sécurité et au respect de leurs droits.
Cette double décision sénatoriale illustre les tensions entre continuité institutionnelle et adaptations politiques. La validation des suppléants assure la pérennité des travaux parlementaires malgré les mouvements au gouvernement, tandis que la prorogation de l’état de siège témoigne de la difficulté à trouver des solutions durables aux crises sécuritaires. Reste à savoir si ces mesures d’apparence technique ne servent pas également des calculs politiques plus larges, dans un contexte où chaque nomination et chaque prolongation exceptionnelle modifient les rapports de force.
Les prochains mois révèleront si cette gestion sénatoriale répond à une vision stratégique cohérente ou si elle reflète plutôt une navigation à vue dans des eaux politiques tumultueuses. La crédibilité de l’institution sénatoriale se jouera dans sa capacité à concilier stabilité gouvernementale, sécurité des populations et respect des principes démocratiques – un équilibre délicat dont dépend en partie l’avenir politique de la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd