Kinshasa a été le théâtre jeudi 16 octobre d’événements qui dépassent la simple criminalité pour révéler des failles profondes dans le système sécuritaire congolais. Une femme se présentant comme Honorine Porsche, de nationalité allemande, a été interpellée suite à sa participation présumée à une tentative de braquage visant une agence de la Rawbank. Mais ce qui devait être une arrestation routinière s’est transformé en cauchemar.
Des vidéos authentifiées montrent la jeune femme dans un état de vulnérabilité extrême. Allongée nue sur le sol, menottée, elle tente de dissimuler son visage tandis que des hommes en treillis militaire l’entourent. Les images choquantes révèlent des scènes de violence insoutenables : des militaires ordonnant à leur collègue d’écarter les cuisses de la suspecte, des bottines militaires posées près de sa poitrine, des insultes et des coups.
Dans son témoignage, Honorine Porsche confirme l’identité de ses agresseurs. Elle décrit avoir été piétinée, traînée nue jusqu’au commissariat, son corps marqué par de multiples égratignures. Comment de tels actes ont-ils pu être commis par ceux-là mêmes censés protéger les citoyens ?
Le cabinet du vice-premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a confirmé ces faits graves. Les auteurs ont été identifiés comme des éléments de la 14ᵉ région militaire. Ils ont été arrêtés et sont en instance de jugement, tandis que leur commandant de bataillon a été suspendu. Cette réaction officielle rapide témoigne de la gravité des événements.
L’affaire a provoqué une onde de choc à travers la capitale congolaise. Les réseaux sociaux se sont embrasés d’indignation, mais au-delà de l’émotion légitime, cette affaire interroge fondamentalement l’état de notre société. La présomption d’innocence, principe fondamental de tout état de droit, semble s’effacer devant la brutalité dans certains cas. La violence devient spectacle, et le corps des femmes reste trop souvent un terrain de domination.
La journaliste Susie Bakajika, analysant ces événements, n’hésite pas à qualifier les actes subis par Honorine Porsche de viol. Elle souligne le caractère particulièrement révoltant de ces violences sexuelle commises par des militaires venus en renfort de la police. Son constat est sans appel : cette scène reflète le regard que portent encore trop d’hommes, militaires ou civils, sur les femmes dans notre société.
L’analyse de Susie Bakajika rappelle une triste réalité : si cette femme avait été appréhendée par des civils au Grand Marché, elle aurait probablement subi le même sort. Ces scènes de honte publique où des femmes sont humiliées sous les rires restent malheureusement trop courantes. La journaliste établit même un parallèle troublant avec les événements du 17 octobre 1999 à Mwenga, dans le Sud-Kivu, où quatorze femmes avaient été enterrées vivantes après avoir été violées et torturées.
Vingt-six ans après ces atrocités, l’affaire Honorine Porsche nous renvoie à notre propre miroir. Jusqu’où notre société est-elle prête à tolérer ces violences faites aux femmes ? Comment garantir que les forces de l’ordre respectent les droits fondamentaux des suspects ? L’arrestation des militaires impliqués et la suspension de leur commandant constituent un premier pas, mais suffiront-elles à restaurer la confiance des citoyens envers leurs institutions ?
Cette affaire dépasse largement le cadre d’une simple arrestation. Elle questionne notre capacité collective à faire respecter la dignité humaine, même pour celles et ceux suspectés de crimes. Les violences sexuelle perpétrées par des militaires ne peuvent rester impunies, et la présomption d’innocence doit prévaloir pour tous, sans exception.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd