Le forum commercial Ouganda-RDC qui s’ouvre ce vendredi à Butembo représente bien plus qu’un simple événement diplomatique. Avec un volume d’échanges commerciaux évalué à plus de 300 millions de dollars américains dès 2020, cette rencontre bilatérale s’annonce comme un moment crucial pour l’économie du Nord-Kivu, alors que les défis sécuritaires et structurels menacent ce partenariat économique vital.
Comment expliquer cette croissance commerciale entre les deux nations ? L’Ouganda s’est imposé comme un partenaire stratégique incontournable, servant à la fois de plaque tournante pour les produits manufacturés destinés aux villes congolaises du Nord-Kivu et de l’Ituri, et de débouché pour les ressources naturelles de la RDC. Or, cacao, café, bois et minerais représentent l’essentiel des exportations congolaises, avec une tendance haussière notable depuis le boom du cacao dans l’est du pays.
Mais derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité économique préoccupante. La RDC demeure structurellement désavantagée dans ce commerce transfrontalier. L’absence d’usines de transformation contraint le pays à exporter ses matières premières à l’état brut, privant ainsi l’économie nationale de la valeur ajoutée potentielle. Cette situation crée un déséquilibre commercial défavorable, où la RDC exporte des ressources brutes pour importer des produits finis à prix élevé.
L’insécurité chronique dans la région constitue un autre frein majeur au développement économique. L’activisme des groupes armés, incluant les rebelles du M23 et les islamistes des ADF, perturbe constamment les chaînes d’approvisionnement et décourage les investissements potentiels. Comment envisager un développement économique durable dans un environnement où la sécurité des biens et des personnes n’est pas garantie ?
La fraude commerciale représente une troisième menace pour l’équilibre des échanges. La multiplicité des services étatiques et la lourdeur fiscale poussent de nombreux opérateurs économiques à contourner les procédures légales d’import-export. Conséquence directe : l’Ouganda bénéficie parfois de produits congolais exportés frauduleusement qu’il peut labelliser à son actif, gonflant artificiellement ses statistiques commerciales au sein du marché commun.
Le forum de connexion commerciale de Butembo se présente donc comme une opportunité cruciale pour adresser ces défis structurels. Les panels prévus sur le cadre légal des échanges et les modalités de collaboration entre chambres de commerce pourraient jeter les bases d’une relation commerciale plus équilibrée. De même, les discussions à huis clos sur la sécurité transfrontalière pourraient déboucher sur des mécanismes concrets de protection des flux commerciaux.
Quelles perspectives pour l’avenir des échanges commerciaux entre les deux pays ? La réussite de ce forum dépendra de la capacité des parties à transformer les discussions en actions concrètes. La mise en place d’usines de transformation au Nord-Kivu, l’harmonisation des procédures douanières et la sécurisation des axes commerciaux représentent des pistes prioritaires. Le dîner d’affaires de clôture samedi pourrait d’ailleurs voir émerger de nouveaux partenariats concrets entre opérateurs économiques des deux nations.
À long terme, le développement économique de l’Est de la RDC passe nécessairement par une valorisation sur place de ses ressources naturelles. L’Ouganda, avec son expérience industrielle plus avancée, pourrait jouer un rôle clé dans ce processus en investissant dans des unités de transformation locales. Une telle évolution permettrait à la RDC de capter une plus grande part de la valeur de ses exportations tout en créant des emplois pour sa population.
Le succès de ce deuxième forum commercial Ouganda-RDC se mesurera donc à l’aune des engagements concrets qui en découleront. Dans un contexte régional marqué par l’insécurité et les défis logistiques, la capacité des deux pays à construire un partenariat commercial mutuellement bénéfique représentera un test crucial pour l’avenir économique du Nord-Kivu et de toute la région frontalière.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
