« Je demande à mes frères qui sont encore en brousse de déposer les armes et de venir vivre dans la société. Les histoires de tenir les armes, laissons cela au gouvernement qui doit nous protéger. Pour le moment, nous vivons bien. » Ces mots, chargés d’espoir et de sincérité, résument le parcours de transformation que vivent d’anciens combattants de l’Ituri, cinq mois après avoir choisi la voie de la paix.
À Tsere, un village de la province de l’Ituri, une révolution silencieuse est en marche. D’anciens miliciens du groupe armé d’autodéfense « ZAIRE » ont troqué leurs armes contre des outils de reconstruction. Leur témoignage, livré jeudi dernier devant une délégation de l’Union européenne, révèle les premiers succès d’un programme de réinsertion communautaire RDC qui pourrait bien servir de modèle pour toute la région.
« Nous sommes satisfaits d’avoir retrouvé notre place dans la société », affirment ces hommes qui, il y a quelques mois encore, semaient la terreur dans la région. Comment expliquer un tel changement ? Est-il possible que des années de violence puissent laisser place à une volonté sincère de construire ? La réponse se trouve peut-être dans les projets concrets mis en œuvre par la MONUSCO avec le soutien financier de l’Union européenne.
Le programme élevage Tsere, initié en mai dernier, a remis vingt-cinq vaches entre les mains de ces anciens combattants. Un geste symbolique fort qui leur offre non seulement une source de revenus, mais aussi une responsabilité sociale. « Quand tu dois t’occuper d’un troupeau, tu réapprends la patience, la persévérance », confie l’un des bénéficiaires. « C’est très différent de quand tu tiens une arme. »
Mais la réinsertion ne se limite pas à l’élevage. Ces ex-combattants MONUSCO ont également participé, aux côtés de 48 membres de la communauté locale, à la réhabilitation des routes de desserte agricole reliant les villages de Kokolombi, Ngona et Rwampara. Ces chemins, autrefois impraticables, permettent aujourd’hui aux agriculteurs d’écouler leurs productions vers les marchés voisins. Une collaboration concrète qui brise les barrières et reconstruit la confiance.
Angelica Broman, de l’ambassade de Suède en RDC et membre de la délégation européenne, ne cache pas sa satisfaction. « Les gens en ont marre de la guerre et veulent maintenant construire la paix Ituri », affirme-t-elle. Son optimisme semble partagé par les communautés locales, qui voient dans ces projets une lueur d’espoir après des années de conflit.
La construction du bureau de la coopérative des ex-combattants, également visitée par la délégation, symbolise cette volonté de pérenniser les efforts de paix. Dans ce bâtiment en chantier, anciens miliciens et villageois envisagent désormais de monter ensemble des activités génératrices de revenus. Une cohabitation qui aurait été impensable il y a encore quelques mois.
Pourtant, des défis persistent. La démobilisation Ituri reste un processus fragile, dépendant de financements externes et de la volonté politique. Combien de temps faudra-t-il pour que ces initiatives portent leurs fruits durablement ? Les anciens combattants pourront-ils résister aux sirènes de la violence si les perspectives économiques venaient à s’assombrir ?
Les bénéficiaires du programme, eux, semblent déterminés à tourner la page. « Je ne regrette pas d’avoir déposé les armes », insiste l’un d’eux. « Aujourd’hui, je peux regarder mes enfants dans les yeux sans honte. » Des mots simples, mais qui en disent long sur le chemin parcouru.
Alors que la délégation européenne repart avec des impressions positives, une question demeure : cette expérience réussie de réinsertion communautaire RDC pourra-t-elle être reproduite à plus large échelle ? La réponse pourrait bien déterminer l’avenir de toute une province meurtrie par des années de conflits.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net